Info veille |
24/10/2010 : Communiqué de presse du Réseau Action Climat-France et de ses associations membres
Grenelle
de l'environnement :
3 ans après, l'amer déni
Trois ans après les engagements des tables
rondes du Grenelle de l'environnement et le discours enflammé de
Nicolas Sarkozy le 25 octobre 2007, le Réseau Action Climat fait
le point sur le dossier « climat-énergie ».
« Le moins que l'on puisse dire c'est que le « New
deal » écologique promis par le Président de la République
n'a pas eu lieu », constate Olivier Louchard,
Directeur du RAC-France. « Au contraire, ce que certains redoutaient
déjà en 2007 est arrivé : les petites avancées
que le gouvernement affiche ne doivent pas masquer l'absence criante de
mesures de rupture, structurantes et réellement efficaces ».
L’enterrement de la taxe carbone, emblème de l’hypocrisie
du gouvernement
« L’abandon de la taxe carbone au lendemain des élections
régionales aura eu un mérite : faire tomber les masques, commente
Karine Gavand, responsable climat à Greenpeace. Il est clair
désormais que l’environnement est avant tout une tactique électorale,
et l’opportunisme politique de Nicolas Sarkozy sans bornes. La mise
en place de cette mesure, structurante et structurelle, vendue par le candidat
à la présidentielle comme le pilier de sa politique environnementale,
aurait eu le mérite d’enclencher une réelle prise de
conscience au sein de la société française. Le renoncement
du gouvernement, après le fiasco de Copenhague, encourage, dangereusement,
le sentiment d’un « à quoi bon ? ».
Transports : le dossier noir
Côté transports, c'est la consternation. « Malgré
certaines avancées, les résultats du Grenelle ne sont pas
à la hauteur des enjeux. Aucun financement pérenne des transports
urbains et ferroviaires n'a été mis en place, le vélo
reste ignoré par l'Etat et les investissements routiers sont relancés
au mépris de tout bon sens. » déclare Jean Sivardière,
président de la FNAUT.
Énergie : des objectifs ambitieux, des moyens modestes
Alors que des objectifs satisfaisants ont été fixés
sur l'énergie (23 % d'énergies renouvelables en 2020, - 38%
de consommation d'énergie pour le bâtiment existant...), les
outils mis en place ne sont pas du tout à niveau. Pour Raphaël
Claustre du CLER, « le Grenelle a pourtant suscité des
envies, les acteurs des territoires se mobilisent, les collectivités,
les entreprises et les associations agissent maintenant ensemble. Mais l'Etat
semble reculer de plus en plus face à ce mouvement ».
En soufflant le chaud et le froid sur les énergies renouvelables,
le gouvernement empêche le développement serein de ces filières
pourtant créatrices d'emplois locaux.
Concernant les autres sujets majeurs, le bilan est tout aussi insuffisant
(voir note détaillée ci après) : absence de mesures
climat sur l'agriculture, imposture sur les agrocarburants, taxe sur les
incinérateurs dépouillée de son contenu, deux EPR programmés,
etc. A noter néanmoins quelques avancées sur les politiques
territoriales et l'urbanisme.
Contacts
Olivier Louchard – Réseau Action Climat :
01.48.58.83.92 – 06.26.40.07.74
Karine Gavand – Greenpeace : 06.77.04.61.90
Jean Sivardière – FNAUT : 04.76.75.23.31
Raphaël Claustre – Comité de Liaison
Energies Renouvelables : 06.03.85.87.96
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
3 ans après, bilan du Grenelle de
l'environnement.
Note détaillée
Rappel n°1 : la loi Grenelle 1 a placé la lutte contre
le changement climatique au « premier rang des priorités »
(article 2).
Rappel n°2 : toute absence de décision ou mauvais choix aujourd'hui
est un recul face à l'urgence climatique et un mauvais coup porté
aux générations futures.
Fiscalité : la Contribution Climat Energie au point mort
Ce devait être LA mesure permettant d'asseoir enfin une fiscalité
écologique efficace en France. Désormais renvoyée à
une improbable décision européenne, personne n'ose l'envisager,
ni même la proposer pour la loi de Finances 2011 actuellement examinée
au Parlement. Le rendez-vous est d'ores et déjà pris avec
les candidats aux présidentielles 2012.
Le dossier noir des transports
Premier secteur émetteur de gaz à effet de serre avec 26%
des émissions nationales, les transports risquent de le rester encore
très longtemps : relance d'un programme routier/autoroutier (plus
de 1000 km), taxe kilomètres poids lourds reportée à
2012 (enfin peut-être), casse de l'activité wagons isolés
dans le plan Fret, autorisation de circulation pour les 44 tonnes (denrées
agricoles), etc. Quant au secteur aérien, le plus énergivore
par passager et km parcouru, il est préservé : le kérosène
reste le seul carburant exonéré de taxes et l'aéroport
Notre Dame des Landes est bien inscrit dans le projet de schéma national
des infrastructures de transport (SNIT). Résultat : l'objectif pour
2012 d'augmenter de 25% la part modale du fret non routier et non aérien
(soit 17,5%) ne sera pas atteint. Au contraire, au lieu d'augmenter, cette
part a diminué pour ne représenter que 12% en 2009 alors qu'elle
était de 14% en 2006 (année de référence). Par
ailleurs, le soutien à l’alternative que représente
le vélo pour les déplacements individuels de courte distance
se fait toujours attendre en France : alors que la part modale du vélo
en Europe du nord et en Allemagne est à deux chiffres, ici elle est
à peine de 3%.
L'agriculture parent pauvre des mesures climat
L'agriculture est le deuxième secteur émetteur de gaz à
effet de serre (21%) en France. Les discussions se sont surtout focalisées
sur les consommations énergétiques (émissions de CO2)
avec le lancement d'un plan de performance énergétique des
exploitations agricoles. Même si une relance des protéagineux
et autres légumineuses a été décidée,
aucun objectif précis ou mesure significative n'a été
retenue pour réduire drastiquement les émissions de N2O et
de CH4 qui représentent pourtant plus de 90% des émissions
agricoles.
Imposture sur les agrocarburants
Le Grenelle demandait une étude exhaustive et contradictoire sur
les bilans énergétiques et GES des agrocarburants produits
en France. En laissant de côté l’impact du changement
d’affectation des sols indirect (conversion de jachères ou
de prairies, déforestation au Sud), les bilans GES des agrocarburants
ne peuvent pas être considérés comme complets. Pourtant,
ces données continuent à être la caution des avantages
fiscaux pour les filières industrielles d'agrocarburants, la défiscalisation
étant reconduite tous les ans dans la loi de finances. Le RAC demande
la suppression de ces aides injustifiées car les quelques 480 millions
d'euros qui seront octroyés aux industriels en 2011 trouveraient
bien meilleur emploi auprès de filières qui réduisent
réellement les émissions de GES et permettent à la
France d’améliorer son indépendance énergétique.
Bâtiments : progrès sur le neuf, enlisement sur l'ancien
La généralisation des bâtiments neufs à basse
consommation semble sur la bonne voie bien que les retards s'accumulent.
C'est déjà ça. Mais l'enjeu réel se situe bien
sûr ailleurs : la rénovation thermique des bâtiments
existants. Alors que la loi Grenelle 1 fixe un objectif très ambitieux
(38 % de baisse de consommation du parc d'ici 2020), les outils et les moyens
déployés ne sont pas à la hauteur de l'enjeu et pourraient
même être contre-productifs si les rénovations sont faites
à moitié, rendant l'atteinte d'une bonne performance énergétique
impossible. De plus, l'immense chantier promis tarde à se mettre
en place, faute de programme précis, de moyens d'envergure et de
forte mobilisation des professionnels.
Énergie : fossile et nucléaire toujours, les ENR en
galère
L’objectif européen de 23% d’énergies renouvelables
dans la consommation finale d’énergie d'ici 2020 (contre 10%
aujourd'hui) a été inscrit dans la Loi Grenelle 1. Cela signifie
qu’il faudra maîtriser notre consommation d'énergie et
développer massivement les énergies renouvelables, ce qui
est loin aujourd'hui d'être le cas. En décidant de construire
deux nouveaux EPR, le gouvernement a réaffirmé sa politique
résolument pro-nucléaire. Ceci est un non sens absolu puisque
le pays est en surcapacité. Rappelons également qu'en plus
d'être inutile, l'EPR est inefficace en économie de CO2 et
très coûteux. Et que dire du terminal charbonnier à
Cherbourg, projet qui mise sur un développement de la filière
charbon en Europe ? La feuille de route énergétique du Grenelle
prévoit de faire passer la production à partir d'ENR de 20
Mtep à 37 Mtep d’ici 2020. En représentant près
d’un tiers des nouvelles productions (5 Mtep), la filière éolienne
doit y jouer pleinement son rôle. Pourtant les dispositions de la
loi Grenelle 2 ont rendu plus contraignantes les règles d'implantations
d'éoliennes (classement ICPE, seuil minimum de 5 éoliennes
par parc, etc.), ce qui risque fortement de mettre un coup d'arrêt
au développement de la filière. Les récentes communications
du gouvernement montrent par ailleurs un manque de soutien à la filière
photovoltaïque qui est tout aussi inquiétant. Du côté
de la chaleur renouvelable, si l'on peut se réjouir de la création
du fonds chaleur, il est urgent de mener un travail de mobilisation de la
ressource biomasse avec les collectivités. Enfin, l'information citoyenne
de proximité sur les questions d'énergie a été
complètement occultée, ce qui n'incite pas les français
à s'intéresser à des enjeux qui les concernent individuellement
et collectivement.
La taxe sur les incinérateurs et les centres de stockage dépouillée
de son contenu
La TGAP, mesure phare du Grenelle sur les déchets, présente
l’avantage de renchérir le coût du stockage, à
l’origine de 13% des émissions annuelles de méthane
en France, et de l’incinération des déchets, qui produit
annuellement autant de CO2 que 3 millions de voitures. La portée
de cet outil fiscal, incitatif à la réduction et au recyclage,
a malheureusement été significativement réduite par
l’action de certains industriels qui ont su négocier des modulations
sur la base de critères sans rapport avec l’objet de la taxe.
D’un montant initialement prévu entre 10 et 20 euros par tonne
de déchets, la TGAP a vu ses montants réduits de 1,5 à
7 euros par tonne de déchets. La TGAP « version light »
survivra-t-elle à la prochaine loi de finances ? La transition vers
une politique déchets moins émettrice de gaz à effet
de serre et plus préservatrice de nos ressources est loin d’être
assurée.
Politiques territoriales et urbanisme : des avancées néanmoins
Le Grenelle a identifié les collectivités territoriales comme
étant des acteurs incontournables des politiques climat-énergie.
A ce titre, les régions, départements, communautés
urbaines, communautés d'agglomération ainsi que les communes
et communautés de communes de plus de 50 000 habitants doivent avoir
adopté un plan climat-énergie territorial pour le 31 décembre
2012. Si cette obligation constitue une avancée majeure, il est regrettable
que le texte de loi restreigne le champ d'action aux compétences
de la collectivité et délaisse par conséquent l'approche
territoriale. Autre biais majeur : l'obligation ne couvre pas l'ensemble
du territoire français et met ainsi les communes et intercommunalités
de moins de 50 000 habitants et les territoires de projet (pays, Parcs Naturels
Régionaux), soit en pratique les territoires ruraux, sur la touche.
Concernant l’urbanisme, de réelles avancées ont été
obtenues avec la nécessité de prendre en considération
la réduction des émissions de gaz à effet de serre,
la maîtrise de l’énergie et la production énergétique
à partir de sources renouvelables dans les Schémas de Cohérence
Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU).
Fédération Nord Nature, 23 rue Gosselet, 59000 LILLE - Tel 03.20.88.49.33 - Fax 03.20.97.73.81 - mail :secretariat@nord-nature.org