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le 17/11/2011 : Communiqué de presse de INRA - GIP ECOFOR - RMT AFORCE

Forêts et changement climatique : apports de la recherche sur la vulnérabilité et conséquences pour la gestion de la forêt française

Les forêts, par leur longévité, sont inévitablement exposées à la variabilité et aux évolutions du climat. En outre, malgré leur contribution à la lutte contre l’effet de serre, le changement climatique ne pourra être évité. Il est donc important d’étudier, dans une perspective à long terme, comment les forêts vont subir le changement climatique et, éventuellement, y résister. Des chercheurs de l’Inra et de plusieurs universités, ont coordonné, durant les cinq dernières années, des projets de recherche sur les questions de la vulnérabilité des forêts au changement climatique. Ils viennent d’en présenter les résultats au cours d’un colloque qui s’est déroulé le 17 novembre 2011 à Paris. Leurs conclusions sont convergentes : les forêts sont et seront soumises à des sécheresses plus fréquentes, longues et sévères. Selon les régions et les essences, la vitalité et la productivité des arbres seront affectées dans un futur proche ou plus lointain. Ainsi des indications précieuses sont données aux gestionnaires pour traiter les problèmes là où ils se manifestent déjà, et améliorer pour l’avenir la résistance de la forêt française selon les régions et essences susceptibles d’être touchées.

Grâce à des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), des chercheurs de l’INRA, de plusieurs universités et de nombreux autres organismes, ont pu réaliser des observations, expérimentations et analyses originales sur des écosystèmes forestiers : mesure de la croissance passée et présente des arbres, examen des effets d’une réduction de la quantité de pluie reçue par la forêt, étude des conséquences d’autres facteurs de vulnérabilité, modélisation des impacts du changement climatique sur la végétation. Ces travaux ont été conduits dans le cadre de quatre projets différents : dans DRYADE, les chercheurs ont étudié des cas de dépérissements consécutifs aux sécheresses des années 2003 à 2006 ; dans DROUGHT+, c’est l’adaptation des écosystèmes méditerranéens à une réduction de la précipitation qui a été étudiée ; quant aux projets QDIV et CLIMATOR, ils ont permis de préciser les impacts futurs de différents scénarios climatiques régionalisés par les climatologues.

Des résultats convergents et complémentaires
Les observations passées comme présentes et les modélisations de l’évolution future sont toutes convergentes : les écosystèmes forestiers sont et seront soumis à des sécheresses de plus en plus fréquentes, longues et sévères pour les peuplements forestiers, influençant leur santé et leur productivité.

La vulnérabilité est particulièrement élevée face aux sécheresses récurrentes ou en cas d’interaction entre sécheresse et attaques de parasites (scolytes, chenilles défoliatrices). La capacité de récupération après les crises est variable selon les arbres et leurs ensembles qu’on nomme peuplements, selon aussi l’intensité de l’impact et les propriétés du sol. Il n’a pas été démontré de manière systématique que les dépérissements étudiés pouvaient être attribués à la dérive climatique du siècle écoulé. Cependant, des pertes de croissance durable et des mortalités anormales sont historiquement observées après chaque épisode de sécheresse extrême. En outre, certaines maladies comme l’oïdium du chêne sont liées aux conditions thermiques. Leur développement augmente la vulnérabilité des arbres aux aléas climatiques et pourraient avoir un rôle bien plus important dans un contexte de réchauffement global.

En contexte méditerranéen, les ressources en eau sont peu prévisibles. Les espèces étudiées (chêne vert, pin d’Alep) ont montré une grande capacité à modifier leur architecture et leur feuillage pour faire face à une réduction prolongée de la pluviométrie, réduisant ainsi leur vulnérabilité.

La répartition sur le terrain des essences feuillues et résineuses, leur productivité ou la restitution d’eau au milieu seront affectées, quelles que soient la complexité des modèles d’impacts et la diversité des scénarios climatiques étudiés. Certaines régions (sud, sud-ouest) seront touchées dès le futur proche (2050), mais la plupart des autres régions le seront dans un futur plus lointain (2100). Tous les modèles indiquent une extension vers le nord de l’aire abritant des espèces méditerranéennes (comme le chêne vert), et une régression du pin sylvestre dans sa limite sud. Pour le hêtre, en revanche, des divergences apparaissent entre les modèles d’impact, pour sa répartition et sa productivité.

Des acquis pour la gestion des forêts françaises
Le champ des futurs possibles balayés par les scénarios et les acquis des dépérissements récents issus de ces recherches apportent aux gestionnaires des éléments pour accompagner dès aujourd’hui la gestion de crises sanitaires. Pour proposer des actions d’adaptation de la forêt française selon les grandes zones climatiques et les groupes d’essences, forestiers et chercheurs travaillent ensemble au sein du RMT Aforce (Réseau Mixte Technologique consacré à la production d’outils pour aider les gestionnaires à préparer les forêts au changement climatique).

Le programme Dryade par exemple, qui associait chercheurs, partenaires de la gestion et de la surveillance de la santé des forêts, a conduit à la publication d’un guide de gestion des forêts en crise sanitaire. Ce guide s’adresse à l’ensemble des acteurs concernés, les pouvoirs publics, la communication, les gestionnaires, les propriétaires, les techniciens et la filière forêt-bois. Des critères ont été identifiés pour caractériser les différents stades d’une crise sanitaire en forêt. Plusieurs indicateurs quantitatifs sont proposés pour aider les gestionnaires à passer d’une gestion courante à une surveillance accrue, puis à une gestion de crise. Ces indicateurs permettent aussi d’objectiver l’entrée et la sortie de crise, accompagnées chacune de procédures réglementaires précises. Ce guide, élaboré pour gérer les conséquences des évènements climatiques exceptionnels en forêt, contribue pleinement aux recommandations du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique pour la forêt.

Un « Livre vert » a par ailleurs été élaboré dans le cadre du projet Climator à l’intention de l’ensemble des acteurs du monde agricole et forestier. Son volet « forêt » permet d’appréhender les impacts du changement climatique sur les surfaces boisées françaises au travers de simulations et propose des pistes sylvicoles pour y faire face.

Les incertitudes, analysées et quantifiées, restent cependant fortes en particulier dans la régionalisation des aléas futurs, la capacité d’adaptation des écosystèmes, ou encore dans notre aptitude à modéliser leur fonctionnement. Les recherches menées ici contribuent à prioriser les actions des gestionnaires forestiers en indiquant quelles sont les situations les plus vulnérables selon la zone climatique, l’essence et le milieu naturel local. Ces résultats permettent aux gestionnaires d’innover dans leurs pratiques sylvicoles, ainsi que dans leur sélection d’essences ou de provenances de manière à trouver le bon compromis entre productivité et durabilité de systèmes pour lesquels l’eau risque de manquer.

Les références : http://www.inra.fr/presse/foret_et_changement_climatique__1

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