nn1.gif (2843 octets) Les eaux de surface du Nord de la France (1985-1988)

 

Article de E. Vivier parru dans le bulletin n°57 en 1989.
Remarques préliminaires :
+ les cartes illustrant l'article sont de l'Agence de Bassin Artois Picardie
+ la qualité de l'eau a, depuis 1989, évolué vers un léger mieux; mais, la situation globale décrite ici reste valable
+ pour une actualisation des informations sur la qualité des eaux de surface, c'est à l'Agence de Bassin Artois Picardie qu'il faut s'adresser
 

 

1)EAUX CONTINEN TALES:

Les eaux continentales peuvent subir des pollutions de divers ordres : matières organiques, matières en suspension, eutrophisation ...

Ce dernier phénomène doit être compris dans le sens d'une "dystrophisation", c'est-à-dire d'un enrichissement excessif en substances nutritives dissoutes dans l'eau.

Cette abondance mène au développement exagéré de diverses espèces végétales qui n'ont aucune difficulté à assimiler les matériaux dans lesquels elles baignent comme dans un bouillon de culture de laboratoire.

Ce mauvais fonctionnement d'un milieu naturel résulte généralement de la conjonction de plusieurs phénomènes les uns naturels, les autres artificiels et introduits par l'activité humaine.

Certains phénomènes naturels sont qualifiés d'abiotiques (ils ne dépendent pas des êtres vivants) : température extérieure et éclairement suffisants, eaux stagnantes ou à très faible courant, faible profondeur favorisant le réchauffement et l'éclairement ainsi que la concentration élevée des substances nutritives, faute d'une dilution dans un volume élevé.

Aux phénomènes naturels abiotiques se conjuguent des interventions humaines intempestives et malheureuses d'origine agricole ou industrielle. On peut citer :
- l'épandage abusif des pesticides toxiques pour le zooplancton, premier prédateur des algues microscopiques ;
- l'épandage abusif d'engrais, capables d'agir aussi bien sur les plantes aquatiques que sur le blé ou la betterave ;
- le rejet dans les cours d'eau de matières organiques (égouts, eaux sales, fumiers, rejets industriels de l'agro-alimentaire -frites, conserveries, féculeries-...)

Les végétaux qui se développent à l'excès peuvent être microscopiques (plancton végétai ou phyto-plancton) ou macroscopiques, c'est-à-dire visibles à l'œil nu (les plantes vertes aquatiques ou -macrophytes-).

Les conséquences dommageables de ces fortes croissances sont multiples : mort des poissons, pourrissement de masses végétales crevées considérables, remise en cause de certains usages de l'eau .... sans compter le préjudice esthétique (l'eau peinte en vert, sans espace libre).

Dans la région nord de la France, certains facteurs retardent l'eutrophisation : la température moyenne de l'eau est réduite, souvent inférieure à 20°, et la turbidité forte, faisant obstacle à la lumière du soleil, premier moteur de l'activation de la chlorophylle. Les cours d'eau sont courts : ils se jettent vite à la mer; mais cette brièveté est compensée par un débit lent ou très lent. Aux étiages, c'est-à-dire au cours des régimes de basses eaux, la nappe d'eau souterraine de la craie s'écoule dans le lit des cours d'eau, y entrainant: sa forte teneur en nitrate, voisine de 30 mg/l. L'apport d'azote est inévitable. Ce n'est pas un facteur d'origine abiotique mais bien le résultat de l'activité humaine (culture aux engrais et élevage).

 

 

MESURE DE LA QUALITE DES EAUX DES COURS D'EAU.

Elle a été appréciée par la mesure de l'azote organique, de la teneur en nitrate et en phosphates.

1) La carte 1 illustre les cours d'eau de plus mauvaise qualité où le taux d' azote est excessif. Citons entre autres : Scarpe, canal à grand gabarit, Deule, Marque, Lys, Aa, canaux des Moëres dans la Flandre maritime ...
Les secteurs les plus menacés par l'azote sont constitués par la Scarpe, la Deule, le canal d'Aire à la Bassée. Le niveau de la pollution est tel dans ce dernier que les effets de l'eutrophisation sont incapables de s'y manifester; mais ils apparaissent plus en aval dans le "delta" de l'Aa par la prolifération des lentilles d'eau en été.

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2) La carte 2 illustre les cours d'eau de plus mauvaise qualité où les nitrates sont excessifs. Citons entre autres : Canal à grand gabarit, Scarpe, Haut Escaut et ses affluents rive droite, Deule, Lys ...
A noter que dans le bassin de la Sensée, où plus de 80 % de la superficie est consacrée aux terres labourables, les teneurs des eaux de surface en nitrates s'abaissent de près de 50 % de leur valeur initiale (de 30 à 18 mg/1) après leur passage dans les étangs de Palluel-Arleux, illustration naturelle de l'effet de lagunage.

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3) La carte 3 illustre les cours d'eau de plus mauvaise qualité où les phosphates sont excessifs. Citons entre autres : Bassin de la Scarpe, de la Deule et de la Lys, Canal à grand gabarit ...

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A noter que dans le bassin de la Sensée, les teneurs en phosphate sont également très faibles. Il est remarquable que les étangs eux-mêmes restent d'une qualité d'eau acceptable.

Il ne semble pas y avoir de relation directe de cause à effet qui soit simple entre l'eutrophisation des cours d'eau et les divers paramètres de qualité de l'eau, facilement mesurables en routine et présentés ci-dessus.

L'azote est utilisé par le végétal sous de multiples formes, depuis l'azote de l'air jusqu'à l'ammoniaque, en passant par les nitrates et les composés organiques azotés (urée, acides aminés des protéines, etc ...). Il en est de même pour le phosphore. Certaines espèces d'algues vivent quasiment de rien : eau fraîche, lumière et gaz carbonique de l'air les contentent, et la chlorophylle fabrique tout le reste. Les ex

crétions-sécrétions des premières populations développées sont aussi tout-à-fait capables d'apporter dans l'eau des substances simples ou complexes agissant comme catalyseurs, en coup de fouet, pour en

trainer la croissance rapide de consoeurs restées calmes jusque là.

... La vie des cours d'eau ne se limite sûrement pas à l'azote et au phosphore ...

 

 

MANIFESTATIONS DE L'EUTROPHISATION DANS LA REGION

Celles-ci se traduisent pas la prolifération du phytoplancton, d'algues filamenteuses et de végétaux supérieurs.

1) Cas des lentilles d'eau.
Fréquentes dans les watergands des watteringues de la Flandre maritime. Ces petites plantes vertes de quelques millimètres de diamètre se reproduisent par bourgeonnement, ce qui explique la rapidité de leur extension lors des conditions favorables. Leur film peut s'étendre de la monocouche flottante en surface à plusieurs dizaines de centimètres. Les stations de pompage les rejettent en mer. Les nuisances qu'elles engendrent vont d'une entrave au libre écoulement de l'eau et au passage des bateaux, au colmatage des moteurs à explosion, en passant par l'asphyxie des plans d'eau et le désintérêt touristique et halieutique.

2) Cas des algues.

a) Algues microscopiques (phytoplancton).On les observe en été dans des cours d'eau plus profonds qu'en Flandre, mais à faible vitesse d'écoulement. Ce sont des Chlorelles, des Scenedesmus, des Diatomées ...

b) Algues filamenteuses.Elles forment un chevelu envahissant enfermant les autres végétaux aquatiques dans un réseau inextricable. On les observe sur les petites rivières de la région, comme la Nave, la Bourre, la Clarence, la Lawe du bassin de la Lys, dans le bassin de la Scarpe, sur l'Yser, le Jard (affluent de l'Escaut), ou le Wimereux ...

La carte des zones à risque (carte 4) différencie quatre types de zones dans la région :

- Risques très élevés, quasipermanents dans la Flandre maritime (ombrée).
- Risques élevés dans les canaux et rivières canalisés (trait épais).
- Risques faibles, à effets passagers (en traits pointillés).
- Risques très faibles pour le reste du réseau, sans manifestation observée.

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2 EUTROPHISATION DES EAUX COTIERES ET DU LARGE

Littoral du Nord et du Pas-de-Calais

Sur de nombreuses zones du littoral métropolitain, le phénomène d'eutrophisation des eaux marines prend de plus en plus un caractère préoccupant.

En schématisant, on peut dire que ce phénomène s'exprime de diverses manières, selon les endroits :
1) Poussées marines d'algues macrophytes (ex. Ulves, etc ... ) provoquant une gêne pour les professionnels et pour le tourisme.
2) Poussées massives d'espèces planctoniques non toxiques pouvant provoquer une gêne et des phénomènes d'écume à la côte.
3) Poussées plus ou moins massives d'algues planctoniques toxiques pouvant provoquer des mortalités sur la vie marine ou des intoxications alimentaires pour l'homme. Ces espèces (Dinophysis, Gyrodinium, etc ... ) sont à l'origine de l'interdiction temporaire de la commercialisation de mollusques comestibles.

Concernant ces phénomènes toxiques, la complexité des processus mis en jeu dans leur apparition fait qu'une relation de cause à effet avec l'enrichissement du milieu marin en sels nutritifs (azote, phospate) n'est pas démontrée.

 

En région Nord/Pas-de-Calais et en Picardie, on peut résumer la situation selon les points suivants :

1) Peu d'alertes ou de gênes recensées suite au développement de macrophytes (Ulves en particulier). Mais il semble que certains estuaires (SOMME tout spécialement) subissent par période des nuisances de ce type.

2) Chaque printemps, en avril et en mai, une espèce planctonique non toxique (Phaeocystis) envahit la masse d'eau littorale avec des densités parfois considérables (> 100 millions de cellules/litre). L'eau devient alors brune, visqueuse (possibilités de gêne pour la pêche et pour les cultures marines) et le phénomène peut aboutir à un amoncellement d'écume sur la côte, si les conditions climatiques s'y prêtent.

3) Jusqu'à présent, il n'a pas été fait état dans notre région de phénomène à caractère toxique. (La limite Nord en est actuellement la Baie de Somme, exclue). On notera que les problèmes sanitaires rencontrés par la conchyliculture régionale sont jusqu'à présent strictement d'origine bactérienne.

4) La teneur des eaux en sels nutritifs et l'importance des apports à la mer. Il importe de voir que la simple analyse des eaux en sels nutritifs n'est pas un élément d'information suffisant pour estimer une éventuelle eutrophisation du milieu. En effet, la biomasse algale étant la consommatrice directe de ces sels, ont peut parfaitement observer en mer des phénomènes d'eaux eutrophes caractérisables seulement par la biomasse chlorophylienne, les sels nutritifs étant consommés par cette même biomasse et donc absents sous forme dissoute dans l'eau de mer. Il convient donc de prendre en compte dans les critères d'eutrophisation, la teneur en Chlorophylle.

On conclura par deux rappels importants :

- l'eutrophisation du milieu marin fait ressentir ses effets selon un cycle saisonnier très marqué : dans notre région, avril et mai sont la période d'apparition des eaux brunes à Phaeocystis. Notons en outre que juin et juillet sont la période d'apparition d'eaux rouges à Noctiluques (Péridinien non toxique) parfois spectaculaires.

- Par rapport à la situation d'eutrophisation de certains cours d'eau, il est essentiel de comprendre l'importance de la notion de milieu marin en tant que milieu récepteur des apports telluriques. Un exemple simple illustrera cette notion : on admet facilement qu'un cours d'eau eutrophisé puisse amener une situation d'eutrophisation du milieu marin proche ; il importe de voir aussi qu'un cours d'eau qui ne présente pas d'indices d'eutrophisation (teneurs en nutriments faibles, absence de concentration en lentilles d'eau, etc ... ) peut tout à fait participer à l'eutrophisation du milieu marin par l'importance de son débit, en terme de bilan des apports à la mer.

BIBLIOGRAPHIE

La première partie est un résumé succinct des données parues dans le rapport mentionné ci-dessous. La seconde partie en est la copie du préambule concernant les eaux littorales.

Rapport du Groupe de Travail pour "I'Etude de l'eutrophisation des Cours d'eau et des eaux littorales de la Région Nord/Pas-de-Calals", 1.09.1989 (74 pp.) rédigé par un groupe d'experts, et communiqué aux membres du Conseil départemental d'hygiène où Nord-Nature est représenté.

 

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