Article de E. Vivier parru
dans le bulletin n°57 en 1989. Remarques préliminaires : + les cartes illustrant l'article sont de l'Agence de Bassin Artois Picardie + la qualité de l'eau a, depuis 1989, évolué vers un léger mieux; mais, la situation globale décrite ici reste valable + pour une actualisation des informations sur la qualité des eaux de surface, c'est à l'Agence de Bassin Artois Picardie qu'il faut s'adresser |
1)EAUX CONTINEN TALES: Les eaux continentales peuvent subir des pollutions de divers ordres : matières organiques, matières en suspension, eutrophisation ... Ce dernier phénomène doit être compris dans le sens d'une "dystrophisation", c'est-à-dire d'un enrichissement excessif en substances nutritives dissoutes dans l'eau. Cette abondance mène au développement exagéré de diverses espèces végétales qui n'ont aucune difficulté à assimiler les matériaux dans lesquels elles baignent comme dans un bouillon de culture de laboratoire. Ce mauvais fonctionnement d'un milieu naturel résulte généralement de la conjonction de plusieurs phénomènes les uns naturels, les autres artificiels et introduits par l'activité humaine. Certains phénomènes naturels sont qualifiés d'abiotiques (ils ne dépendent pas des êtres vivants) : température extérieure et éclairement suffisants, eaux stagnantes ou à très faible courant, faible profondeur favorisant le réchauffement et l'éclairement ainsi que la concentration élevée des substances nutritives, faute d'une dilution dans un volume élevé. Aux phénomènes naturels
abiotiques se conjuguent des interventions humaines intempestives et malheureuses
d'origine agricole ou industrielle. On peut citer : Les végétaux qui se développent à l'excès peuvent être microscopiques (plancton végétai ou phyto-plancton) ou macroscopiques, c'est-à-dire visibles à l'il nu (les plantes vertes aquatiques ou -macrophytes-). Les conséquences dommageables de ces fortes croissances sont multiples : mort des poissons, pourrissement de masses végétales crevées considérables, remise en cause de certains usages de l'eau .... sans compter le préjudice esthétique (l'eau peinte en vert, sans espace libre). Dans la région nord de la France, certains facteurs retardent l'eutrophisation : la température moyenne de l'eau est réduite, souvent inférieure à 20°, et la turbidité forte, faisant obstacle à la lumière du soleil, premier moteur de l'activation de la chlorophylle. Les cours d'eau sont courts : ils se jettent vite à la mer; mais cette brièveté est compensée par un débit lent ou très lent. Aux étiages, c'est-à-dire au cours des régimes de basses eaux, la nappe d'eau souterraine de la craie s'écoule dans le lit des cours d'eau, y entrainant: sa forte teneur en nitrate, voisine de 30 mg/l. L'apport d'azote est inévitable. Ce n'est pas un facteur d'origine abiotique mais bien le résultat de l'activité humaine (culture aux engrais et élevage).
MESURE DE LA QUALITE DES EAUX DES COURS D'EAU. Elle a été appréciée par la mesure de l'azote organique, de la teneur en nitrate et en phosphates. 1) La carte 1 illustre
les cours d'eau de plus mauvaise qualité où le taux d' azote est excessif. Citons
entre autres : Scarpe, canal à grand gabarit, Deule, Marque, Lys, Aa, canaux des Moëres
dans la Flandre maritime ... |
2) La
carte 2 illustre les cours d'eau de plus mauvaise qualité où les nitrates sont
excessifs. Citons entre autres : Canal à grand gabarit, Scarpe, Haut Escaut et ses
affluents rive droite, Deule, Lys ... |
3) La carte 3 illustre les cours d'eau de plus mauvaise qualité où les phosphates sont excessifs. Citons entre autres : Bassin de la Scarpe, de la Deule et de la Lys, Canal à grand gabarit ... |
A noter que dans le bassin de la Sensée, les teneurs en phosphate sont également très faibles. Il est remarquable que les étangs eux-mêmes restent d'une qualité d'eau acceptable. Il ne semble pas y avoir de relation directe de cause à effet qui soit simple entre l'eutrophisation des cours d'eau et les divers paramètres de qualité de l'eau, facilement mesurables en routine et présentés ci-dessus. L'azote est utilisé par le végétal sous de multiples formes, depuis l'azote de l'air jusqu'à l'ammoniaque, en passant par les nitrates et les composés organiques azotés (urée, acides aminés des protéines, etc ...). Il en est de même pour le phosphore. Certaines espèces d'algues vivent quasiment de rien : eau fraîche, lumière et gaz carbonique de l'air les contentent, et la chlorophylle fabrique tout le reste. Les ex crétions-sécrétions des premières populations développées sont aussi tout-à-fait capables d'apporter dans l'eau des substances simples ou complexes agissant comme catalyseurs, en coup de fouet, pour en trainer la croissance rapide de consoeurs restées calmes jusque là. ... La vie des cours d'eau ne se limite sûrement pas à l'azote et au phosphore ...
MANIFESTATIONS DE L'EUTROPHISATION DANS LA REGION Celles-ci se traduisent pas la prolifération du phytoplancton, d'algues filamenteuses et de végétaux supérieurs. 1) Cas des lentilles d'eau. 2) Cas des algues. a) Algues microscopiques (phytoplancton).On les observe en été dans des cours d'eau plus profonds qu'en Flandre, mais à faible vitesse d'écoulement. Ce sont des Chlorelles, des Scenedesmus, des Diatomées ... b) Algues filamenteuses.Elles forment un chevelu envahissant enfermant les autres végétaux aquatiques dans un réseau inextricable. On les observe sur les petites rivières de la région, comme la Nave, la Bourre, la Clarence, la Lawe du bassin de la Lys, dans le bassin de la Scarpe, sur l'Yser, le Jard (affluent de l'Escaut), ou le Wimereux ... La carte des zones à risque (carte 4) différencie quatre types de zones dans la région : - Risques très élevés,
quasipermanents dans la Flandre maritime (ombrée). |
2 EUTROPHISATION DES EAUX COTIERES ET DU LARGE Littoral du Nord et du Pas-de-Calais Sur de nombreuses zones du littoral métropolitain, le phénomène d'eutrophisation des eaux marines prend de plus en plus un caractère préoccupant. En schématisant, on peut
dire que ce phénomène s'exprime de diverses manières, selon les endroits : Concernant ces phénomènes toxiques, la complexité des processus mis en jeu dans leur apparition fait qu'une relation de cause à effet avec l'enrichissement du milieu marin en sels nutritifs (azote, phospate) n'est pas démontrée.
En région Nord/Pas-de-Calais et en Picardie, on peut résumer la situation selon les points suivants : 1) Peu d'alertes ou de gênes recensées suite au développement de macrophytes (Ulves en particulier). Mais il semble que certains estuaires (SOMME tout spécialement) subissent par période des nuisances de ce type. 2) Chaque printemps, en avril et en mai, une espèce planctonique non toxique (Phaeocystis) envahit la masse d'eau littorale avec des densités parfois considérables (> 100 millions de cellules/litre). L'eau devient alors brune, visqueuse (possibilités de gêne pour la pêche et pour les cultures marines) et le phénomène peut aboutir à un amoncellement d'écume sur la côte, si les conditions climatiques s'y prêtent. 3) Jusqu'à présent, il n'a pas été fait état dans notre région de phénomène à caractère toxique. (La limite Nord en est actuellement la Baie de Somme, exclue). On notera que les problèmes sanitaires rencontrés par la conchyliculture régionale sont jusqu'à présent strictement d'origine bactérienne. 4) La teneur des eaux en sels nutritifs et l'importance des apports à la mer. Il importe de voir que la simple analyse des eaux en sels nutritifs n'est pas un élément d'information suffisant pour estimer une éventuelle eutrophisation du milieu. En effet, la biomasse algale étant la consommatrice directe de ces sels, ont peut parfaitement observer en mer des phénomènes d'eaux eutrophes caractérisables seulement par la biomasse chlorophylienne, les sels nutritifs étant consommés par cette même biomasse et donc absents sous forme dissoute dans l'eau de mer. Il convient donc de prendre en compte dans les critères d'eutrophisation, la teneur en Chlorophylle. On conclura par deux rappels importants : - l'eutrophisation du milieu marin fait ressentir ses effets selon un cycle saisonnier très marqué : dans notre région, avril et mai sont la période d'apparition des eaux brunes à Phaeocystis. Notons en outre que juin et juillet sont la période d'apparition d'eaux rouges à Noctiluques (Péridinien non toxique) parfois spectaculaires. - Par rapport à la situation d'eutrophisation de certains cours d'eau, il est essentiel de comprendre l'importance de la notion de milieu marin en tant que milieu récepteur des apports telluriques. Un exemple simple illustrera cette notion : on admet facilement qu'un cours d'eau eutrophisé puisse amener une situation d'eutrophisation du milieu marin proche ; il importe de voir aussi qu'un cours d'eau qui ne présente pas d'indices d'eutrophisation (teneurs en nutriments faibles, absence de concentration en lentilles d'eau, etc ... ) peut tout à fait participer à l'eutrophisation du milieu marin par l'importance de son débit, en terme de bilan des apports à la mer. BIBLIOGRAPHIE La première partie est un résumé succinct des données parues dans le rapport mentionné ci-dessous. La seconde partie en est la copie du préambule concernant les eaux littorales. Rapport du Groupe de Travail pour "I'Etude de l'eutrophisation des Cours d'eau et des eaux littorales de la Région Nord/Pas-de-Calals", 1.09.1989 (74 pp.) rédigé par un groupe d'experts, et communiqué aux membres du Conseil départemental d'hygiène où Nord-Nature est représenté. |
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