Pollution azotée . . . Eau secours ! !

Article de E. Vivier publié dans le bulletin de Nord Nature n° 85, 1996

 

Oui ! Au secours de l'eau !

Au-delà des jeux de mots, l'eau est vraiment en danger (1).

L'eau du robinet, qui provient à 96% des nappes souterraines, est de plus en plus menacée, en particulier par les nitrates.

Ce sont donc les nappes qu'il faut préserver de toute pollution. Or, toute pollution déversée sur les sols va gagner la nappe au bout d'un certain temps. En pays de craie (et cette roche constitue l'essentiel de notre nappe), sa progression est en moyenne de 50 cm à 1 m par an.

La nappe étant souvent profonde, à -20 ou -40 m, la pollution de surface va mettre une vingtaine d'années pour la gagner. Cela veut dire que les nitrates qui polluent aujourd'hui nos eaux de forages ont été répandus en surface voici deux ou plusieurs dizaines d'années. Et cela veut dire aussi que la pollution déversée aujourd'hui ne gagnera nos robinets que dans 20 ou 30 ans.

Il est donc grand temps de s'en inquiéter sérieusement et de prendre les mesures nécessaires.

Comme la pollution par l'azote relève de trois sources principales :

+ les eaux usées urbaines,
+ la pollution industrielle,
+ la pollution agricole, il faut les passer en revue et voir à quelles causes il faut s'attaquer en priorité. Sans doute un arrêté préfectoral sur ce sujet est-il en projet (Nord-Nature en a reçu

une copie), mais il restera nécessairement général quant à nous, il faut que nous allions au fond des sujets et que nous donnions des exemples (ce que l'arrêté préfectoral ne peut faire).

Plusieurs constats peuvent être faits sur ce tableau :

+ le nombre de stations dont les rendements sont inférieurs à 50% est important (19% du total NKT et 21% pour NGL). Parmi les cas les plus lamentables, il y a Arques (5 à 8% pour NKT et 2 à 5% pour NGL), il y a Calais (6% pour les 2 paramètres) et Calais 111 (7% pour les 2 paramètres). + les chiffres pris en considération, ici, sont des moyennes calculées à partir de seulement 2 ou 3 mesures. Or, il apparaît que, quelquefois, l'une des mesures démontre un rendement de 0%, ou proche de ce chiffre, c'est à dire qu'il sort autant d'azote qu'il en rentre et même, dans un cas (Frévent), on a un chiffre négatif, ce qui signifie qu'il sort de la station plus d'azote qu'il n'en rentre (comment cela est-il possible ?). + les rendements en NGL sont moindres qu'en NKT, ce qui est normal, puisque les stations d'épuration n'ont pas été conçues, sauf les toutes dernières, pour éliminer l'azote ; il est même curieux qu'elles en éliminent autant.

LES STATIONS QUI POLLUENT PAR DES REJETS INTOLÉRABLES.

Nous savons que la limite de potabilité des eaux est fixée à 50 mg/1 de nitrates. Donc, toute station qui rejette des eaux contenant une quantité d'azote supéheure a ce chiffre participe à la pollution des eaux de surface et des eaux de nappe, puisqu'elles sont libérées dans l'environnement.

Rejets dépassant les 50 mg/1 d'azote NKT

NORD

Annoeulin jusqu'à 120 mg/1
Arleux 61
Aubigny au Bac 62
Avesnes sur Helpe 310
Beauvin 75
Cambrai 1 60
Cambrai Il 54
Condé sur Escaut 63
Coudekerque-Branche 77
Douchy les Mines 69
Goeulzin 70
Gouzeaucourt 62
Grande-Synthe 72
Loon-Pl.age 54
Merville 68
Morbecque 54
Outtersteene 60
Somain 67
Steenwerck 110
Villeneuve &Ascq I 71
Villeneuve d'Ascq II 57

A noter, à titre de comparaison, que la station de Lallaing rejette une eau qui contient 1 seul mg/l de NKT

Pour le Pas-de-Calais, la liste est donnée ci-après, avec l'indication d'un chiffre qui est la quantité maximum d'azote NKT signalée dans le rapport SATESE. Il faut rappeler que l'azote NKT se transforme régulièrement en azote-nitrate.

Rejets dépassant les 50 ing/1 d'azote NKT

PAS-DE-CALAIS

Ambleteuse 94,6
Arques 58,9
Arras Il 51
Aubigny 59
Audresselles 72,8
Beaurainville 58,7
Berck 63,5
Béthune 52
BoulognelMer 59
Calais I 298,4
Calais II 280,4
Calais III 343,7
Etapies 51,8
Fresnoy 63,5
Frévent 65
Fruges 68
Gosnay 54,1
Granicourt 312,5
Hau teco te 63
Isbergue 68
Labeuvrière 51,3
Le Parcq 57,2
Le Touquet 54,9
Mazingarbe 93,6
Noeux-les-Mines 77,4
Tortequenne 66,9

UNE TECHNIQUE INQUIETANTE : L'INFILTRATION.

Lorsque les rejets des stations sont effectués en rivières, canaux et fossés, on peut espérer que les nitrates qu'ils contiennent soient absorbés par les racines des végétaux qui poussent dans l'eau ou sur les bords ; si les rejets contiennent de l'azote NKT (organique et ammoniacal), cet azote se transformera automatiquement en azote-nitrate et donc, pourra être éliminé par les plantes.

Mais si les rejets sont infiltrés, il en est tout autrement :

+ d'abord l'azote NKT ne peut plus se transformer en nitrates car dans le sol, il n'y a plus d'oxygène,
+ les différentes formes d'azote vont donc, nécessairement gagner la nappe, nappe qui nous fournit en eau d'alimentation.

C'est donc, dans tous les cas, une pollution de nappe assurée car il n'y a pas, dans le sol, de possibilités naturelles d'élimination des nitrates ; en effet, les bactéries anaérobies susceptibles de dégrader les nitrates ont besoin pour se nourrir de composés organiques qui ne se trouvent pas dans les matières minérales des roches du sol et du sous-sol.

L'infiltration est donc une technique qu'il nous faut dénoncer car elle hypothèque gravement l'avenir.

Le rejet des eaux usées en puits perdu est aujourd'hui interdit après avoir été courant jusqu'à des dates récentes. Mais l'infiltration ne présente-t-elle pas les mêmes inconvénients dans la mesure où les eaux ne sont pas totalement épurées ?

Tableau indiquant la localisation des stations dont le milieu récepteur des rejets est le sol par infiltration pour le Pas-de-Calais.

Les chiffres indiquent la quantité d'azote en mgA (azote NKT + azote N02 + azote N03)

Acheville 23,6
Achiet le Grand 8 à 24
Audinghen 10 à 25
Bailleul 25 à 35
Bapaume 29 à 35,7
Bapaume nouvelle 3,5 à 48
Beaumetz les Loges non indiqué
Bonnière 18,7 à 15,5
Camiers 25
Croix en Temois 13
Fortel en Artois 12 à 20,8
Fresnoy 40,8 à 63,7
Héricourt 16,6
Ligny-Tilloy 10
Roeux 25
Monchy 25
Neuvireuil 8,6
Villerval 13,8 à 17,1
Wissant 17,9 à 25,9

 

UN SCANDALE D'IMPORTANCE.

Des situations scandaleuses en matière d'assainissement existent, bien sûr. Certaines, disons même la plupart, sont de faible importance ou sont en cours de réglement.

Mais il en est une qui ne peut être ignorée : c'est le cas de Wattrelos.

En effet, cette station très importante, puisqu'elle a une capacité de 450.000 équivalent-habitant, a des rendements épouvantables

• en DBO : de 12 à 33%,
• en MO de 4 à 15%,
+ en MES de 45 à 58%,
+ en NKT de 2 à 11%.

C'est qu'en réalité, cette station d'épuration, si elle en porte le nom, n'en est pas une, car elle ne comporte qu'un décanteur primaire, ce qui explique que seule une moitié environ des matières en suspension soit retenue par décantation, mais qu'aucune oxydation ni action biologique ne s'y effectuent.

Cette situation est catastrophique sur le plan général du département du Nord. En effet, la prise en compte des rendements de la station de Wattrelos fait chuter les rendements moyens généraux de tout le département du Nord (cf. tableau).

Sans Wattrelos avec Wattrelos

pour la DBO 93% 80%
pour les MO 83% 67%
pour les MES 90% 84%
pour les NKT 47% 39%

Et pour aggraver l'affaire, savez-vous où se rejettent les effluents de la station ?

Dans l'Espierre..
Cette pauvre petite rivière qui naît, ou qui naissait en France (car elle n'a plus d'eau naturelle) et va se jeter en Belgique dans l'Escaut, est devenue ainsi depuis longtemps un égout à ciel ouvert. Elle a même été "déclassée" en qualité de rivière par les services de l'Étel Français...

Cette "station" est un scandale

Et savez-vous quels sont les commentaires du SATESE à son sujet ?

"Le fonctionnement de l'installation est tout à fait conforme à sa capacité technique... Station bien suivie et bien entretenue" (!!!)

Quand je vous disais que c'était un scandale sur lequel tous ferment les yeux.

Seulement voilà : cette station est l'équivalent à elle seule, des stations de... Douai + Valenciennes +Villeneuve d'Ascq + Dunkerque (Coudekerque).

C'est donc un gros morceau.

Mais si la C.U.D.L. n'a pas assez d'argent pour construire une station correcte, elle en aura, soyez-en sûr, pour construire des autoroutes et des stades à l'occasion des Jeux Olympiques de 2004.

C'est aussi un scandale

EN.CONCLUSION - DES PROPOSITIONS, PAS SI UTOPIQUES

Oui, des propositions novatrices, qui peuvent paraître utopiques mais qui, si l'on veut bien les considérer posément, ne le sont pas en fait du tout et sont tout à fait réalisables.

Je commencerai donc par le plus gros morceau, le plus indigeste à nos responsables socio-économicopolitiques : Wattrelos.

En effet, pour 450.000 équivalent-habitant, le traitement des eaux usées demanderait 450 hectares de lagunes... seulement 450 hectares.

Ce n'est donc pas le département, ni la commune... mais seulement un rectangle de 2 km 1/2 sur 2 km (en bassins). Et quelle splendide zone de nature !

Cela coûterait moins cher que les Jeux Olympiques et vaudrait certainement à la Communauté Urbaine de Lille une renommée internationale plus forte que celle des J.O.

Le lagunage de Lallaing a fait les preuves que cette technique était non seulement valable, mais tendait vers l'excellence.

Alors il faut en profiter.

Lille se veut un pôle d'excellence. Ce serait mieux un pôle d'innovation dans l'excellence. Alors je jette ces idées aux responsables : mieux que les J.O., le lagunage pour Wattrelos !

Et pas seulement pour Wattrelos... pour toutes les eaux usées de manière qu'elles puissent, en s'épurant complètement, fournir leurs nitrates à des plantes que les activités humaines pourront utiliser.

Car c'est ça le recyclage vrai, le recyclage utile. On peut obtenir ainsi une productivité exceptionnelle, dépassant, en poids sec, les 20 tonnes par hectare et par an.

Productivité, pour faire quoi ?

Mais de l'énergie par exemple : sous forme de méthane s'il existe une usine de méthanisation à proximité, sous forme de chaleur par combustion directe, car les roseaux ou massettes qu'on peut récolter ressemblent au myscanthus (ou herbe à éléphants) qui est cultivé pour cela, ici ou là.

On pourrait aussi en faire de la pâte à papier : il suffirait de prévoir l'usine adaptée.

Ainsi donc, des solutions existent

 

Références.

L'élimination de l'azote par les stations d'épuration du Nord. C'est pas la joie. C. Brunet, E. Vivier. Bull. NordNature, 1988, fasc. 53, p. 5-7. L'élimination de l'azote par les stations d'épuration du

Pas-de-Calais. E. vivier, C. Brunei. Bull. Nord-Nature, 1989, fasc. 57, p. 16-17.

Rapport sur le fonctionnement des stations d'épuration des collectivités locales du département du Nord en 1995. Direction Générale du Développement et de l'Aménagement, Direction de l'Environnement, Service d'assistance technique à l'exploitation des stations d'épuration.

Rapport sur le fonctionnement des stations d'épuration du Pas-de-Calais en 1995. Service d'assistance technique à l'exploitation des stations d'épuration. (responsables : M. Héraut, J.F Blondel, Ch. Moreau, adresse 126 rue d'Amiens, 62000 Arras, Tél. 03.21.71.31.41).

N.B. : un prochain article traitera de la pollution azotée d'origine industrielle

 

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