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Ensemble pour la Nature

Les luttes juridiques

 

 

Les défenseurs de la nature et les écologistes ne sont pas des juristes et ils répugnent à utiliser la justice pour faire valoir leur bon droit. Le recours aux Tribunaux est donc l'ultime moyen à mettre en œuvre, mais il n'est pas facile à manipuler quand on n'a aucune formation car on se heurte à deux problèmes : d'abord la connaissance des lois, ensuite la connaissance des procédures.

Cependant tout peut s'apprendre... parfois à ses dépens et les échecs, comme les succès, sont source d'enseignement : NORD-NATURE n'a pas échappé à cette logique. C'est ce parcours, pour la défense de la nature et de l'environnement, avec le recours à la justice, que je vais retracer à l'aide de quelques grandes étapes.

 

 

1°/ Les premières leçons

C'est la loi sur la protection de la nature de 1976 et son arrêté d'application de 1977 qui ont déclenché la mise en route efficace des recours. En effet, les Associations, par l'article 40 de la loi, pouvaient intervenir en justice en fonction de leurs statuts pour défendre les intérêts généraux qu'elles entendaient protéger. NORD-NATURE avait, de ce point de vue, des statuts en béton : il fallait les mettre en pratique.

Mais auparavant, la Fédération avait tenté l'opération au sujet du projet d'autoroute Lille-Valenciennes (A.27) qui traversait la forêt de St Amand-Raismes, alors Parc Naturel Régional depuis 1968. On était en 1975, (voir Bull. NN, 1976, fasc.5) et nous nous battions pour faire passer l'infrastructure au sud-ouest de la forêt, en partie sur des friches minières. La D.U.P. était prise par décret le 24 août 1976... par décret, c'est-à-dire au niveau national. Renseignements pris, nous ne pouvions que faire un recours national auprès du Conseil d'État.

Après consultation de notre Fédération Nationale (F.F.S.P.N.) nous avons contacté un avocat parisien, Maître Roche, qui pouvait introduire un tel recours ; par "l'Association de défense de la Forêt et du Parc régional" le 27 avril 1977 et NORD-NATURE s'y associait comme intervenant volontaire.

Nous nous sommes donc (J. Petit et moi-même) rendus à Paris, au cabinet de l'avocat pour y mettre au point le dossier et nous avons fait à Paris une conférence de presse... Tout cela en vain car le Conseil d'État, trois ans plus tard, le 13 juin 1980, a rejeté notre requête. D'ailleurs, l'autoroute était construite. Et nous en avons tiré un enseignement : des recours contre de telles infrastructures d'ordre national ont peu de chances d'aboutir (voir pour plus de détail, le Bull. NN, 1981, fasc.22).

Un recours, beaucoup plus proche de nous, contre l'autoroute A 16, a abouti aux mêmes résultats. Il apparaît donc inutile, et inutilement coûteux, d'engager de telles actions.

D'ailleurs, une autre action , engagée en 1979 au Tribunal Administratif de Lille, pour une route également, dans le bois de Nostrimont (Avesnois), a connu un échec identique ; il y avait bien, cette fois-ci, une étude d'impact mais notoirement insuffisante à notre avis : il y était dit, par exemple, que le bois était composé d'arbres sans que soient cités, ni les espèces, ni leur âge. Mais l'étude était là, et donc tout était, aux yeux du Tribunal, légal, et notre recours a été rejeté. Mais j'ai appris ce jour-là, grâce à des commentaires que m'a fait un avocat, collègue et ami, présent à l'audience pour une autre affaire, qu'il n'aurait pas fallu dire que l'étude était insuffisante ou superficielle, mais "insignifiante" ; ce mot a, en effet, dans le langage juridique, une signification précise et nette ; les termes "léger" ou "insuffisant" laissent entendre que l'étude a quand même une certaine valeur alors que "insignifiant" signifie qu'elle n'a aucune valeur.

Là encore, une petite leçon.

La leçon la plus cinglante mais la plus utile est venue d'une autre affaire. C'est le recours que j'avais déposé en 1979 au Tribunal Administratif contre l'enquête publique effectuée par le Préfet de Région (voir le chapitre "la lutte contre le nucléaire"). En effet l'enquête n'avait été ouverte que pendant trois semaines et sur les seules communes de Gravelines et de ses voisines immédiates ; or le dossier d'enquête révélait que les dangers des effluents couvraient une zone beaucoup plus vaste, d'environ 30 km de rayon autour de Gravelines. Il nous semblait donc qu'il y avait là une lacune significative dans l'information, insuffisante, et grave, puisque les populations concernées n'étaient pas toutes consultées.

Raisonnement logique et honnête... peut-être... pour nous.

Le jour de l'audience, j'étais présent au Tribunal et j'ai, comme c'est la tradition, présenté en trois minutes nos arguments ; la partie adverse n'étant pas présente ni représentée, c'est le Commissaire du Gouvernement qui a alors présenté son rapport ; il est simple à résumer : bien sûr, l'enquête était insuffisante mais on ne peut faire de recours au Tribunal que contre une décision ; or une enquête publique n'est pas une décision mais un avis demandé à la population... donc notre recours n'était pas recevable... il aurait fallu attaquer la D.U.P..

C'était clair... j'avais compris. Mais le Commissaire du Gouvernement a ajouté, après son rapport , un tout petit commentaire en me regardant : "Monsieur le Président, avant de faire un nouveau recours, apprenez votre droit !"

Pan ! Cela aussi, c'était clair. J'ai encaissé. Mais dans les jours qui ont suivi, je me suis acheté deux livres de droit.

Je n'avais plus droit à l'erreur : il fallait apprendre la procédure... et ne plus perdre bêtement.

 

2°/ Les premiers succès

La loi sur la protection de la nature nous avait dopé en nous donnant "l'intérêt à agir" (selon la formule juridique consacrée). On pourrait donc user de ce pouvoir à bon escient quand les autres moyens étaient vains. NORD-NATURE l'a fait. Plusieurs dossiers ont été élaborés, consistant essentiellement en Recours devant le Tribunal Administratif de Lille, ce qui nous a amenés parfois en appel devant le Conseil d'État ou devant la Cour administrative d'appel de Nancy (actuellement implantée à Douai pour notre région).

J'évoquerai brièvement les principaux d'entre eux et d'abord, les petites affaires qui nous ont permis de nous "faire la main".

 

La couverture de la Clarence

La Clarence, encore petit ruisseau, traversait, libre le long de la route le village de Sains-les-Pernes. Sans consultation des riverains, une enquête hydraulique est effectuée en vue de sa couverture et en l'absence de protestations ou d'avis défavorables, le Préfet signe la D.U.P. (1980).

Alors ; émoi des riverains face au projet de busage. La Fédération NORD-NATURE, alertée, cherche à obtenir les documents officiels, mais...il lui faudrait du temps, or deux mois, c'est le délai maximum pour déposer un recours après une décision ; elle se les procure alors par une voie parallèle (qui valut ultérieurement des ennuis à celui qui nous les avait fournis) et dépose alors un recours contre cette décision (voir Bull. NN., 1981, fasc.22, p.16-17) en présentant trois arguments (moyens) juridiques. A l'audience, le Commissaire du Gouvernement, s'appuyant sur le moyen, avancé dans notre dossier, de l'insuffisance d'information des habitants (pas de communiqués aux riverains, pas d'information orale ou écrite) demande l'annulation de l'arrêté préfectoral : le Tribunal suit.

On avait gagné, oui... mais, entre temps, la rivière avait été busée, car un recours n'est pas suspensif.

La nature s'est cependant vengée : moins d'un an après, à l'occasion d'une crue, les eaux du ruisseau ne pouvant passer dans les buses trop étroites ont envahi la route, dégradé et raviné la chaussée... qu'il a fallu refaire aux frais des contribuables. Mais on a laissé les buses et, périodiquement, les inondations reviennent.

L'accès aux documents administratifs

Une loi de 1978, dite loi d'accès aux documents administratifs, ouvrait la porte des administrations aux associations. C'était important car, auparavant, impossible de savoir quelles étaient les mesures officielles prises face à un problème quelconque comme celui d’une implantation industrielle : on n'avait accès ni aux Services de l'Etat, ni aux documents préfectoraux ni à ceux des collectivités publiques.

La Fédération NORD-NATURE souhaitait depuis longtemps connaître, en particulier, les prescriptions qui réglementaient les rejets de certaines usines. Elle a donc demandé ces renseignements, par lettre recommandée, aux trois Préfets, du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, pour cinq établissements.

Naturellement, selon la coutume antérieure, aucun document n'est parvenu dans les quatre mois réglementaires, au-delà desquels il y a "refus d'informer". Alors la Fédération NORD-NATURE, s'appuyant sur la nouvelle loi, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs et a déposé un Recours au Tribunal Administratif contre les Préfets pour "refus d'information".

L'affaire a suivi son cours mais quelques jours avant l'audience fixée, NORD-NATURE recevait tous les documents des trois Préfets.

La loi avait été respectée par l'Administration mais par "obligation".

Depuis cette date, NORD-NATURE reçoit en général les documents demandés : la loi est passée dans les habitudes. Cette disposition nous a permis d'aller plus loin en pouvant mettre en cause certaines dispositions industrielles, reprises plus loin, au chapitre "Actions contre les pollutions".

 

Le cas "Porte de France" à Jeumont

Alertés par un groupe d'habitants de la banlieue de Jeumont (Avesnois), nous apprenons l'existence d'un projet de vaste centre de loisirs pour lequel, après une enquête publique, 85 hectares de terres agricoles devraient être expropriés dans un premier temps.

Il s'agissait de créer, à proximité de la Belgique, un centre de loisirs, jeux, sports avec hôtels, casino pour capter la clientèle étrangère à son entrée en France. NORD-NATURE n'avait rien à dire sur l'aspect commercial, voire mercantile de l'opération, mais sur deux problèmes précis : d'une part l'expropriation de trois fermes pour la première tranche (plusieurs autres dans une deuxième tranche) et surtout, pas d'étude d'impact dans le dossier soumis à l'enquête publique.

La loi sur les études d'impact était sortie en octobre 1977 : cette étude était obligatoire compte-tenu de l'ampleur et du coût du projet. Nous nous devions de demander le respect de la loi. La Fédération a donc déposé un recours au Tribunal Administratif dès que le Préfet a signé la D.U.P. : c'était en 1979.

Par jugement du Tribunal Administratif, la D.U.P. du Préfet a été annulée quoique ce dernier ait prétendu que l'étude d'impact était prévue pour la deuxième tranche.

Cette absence de D.U.P. est le seul moyen juridique qui ait été retenu par le Tribunal. Cet élément est important à considérer car il y avait aussi, contre le projet, des recours de deux autres groupes : une association locale de défense (de tendance politique) et l'Association des expropriés de France, mais aucun des deux n'avait mentionné l'étude d'impact absente. C'est donc NORD-NATURE, seule, qui avait obtenu la victoire...

Nous avons laissé ensuite les habitants régler leurs affaires eux-mêmes. En effet, le Maire, qui avait pris l'initiative de la création d'un syndicat mixte où des fonds de la commune avaient été avancés, a été mis en examen et condamné en correctionnelle : il a dû rembourser, personnellement, deux millions de dettes à la commune qui évidemment est passée aux mains de l'opposition. Qu'on ne nous demande pas laquelle : nous n'en savons rien. Ce n'était plus notre affaire ; nous n'avions tenu qu'à faire respecter la loi et le projet "Porte de France" a été définitivement enterré (jusqu'à maintenant... en attendant un autre maire mégalomaniaque).

Mais pourquoi est-ce NORD-NATURE qui a dû faire respecter la loi ? Ce respect ne s'imposerait-il pas aux Maires, aux Préfets ?

Sans doute, pas, comme le montre encore l'affaire suivante.

3°/ La lutte contre l'urbanisation littorale illégale

Le rejet d'un centre d'isothérapie (Le Touquet)

Le Maire du Touquet, jamais en défaut d'imagination, délivre en 1988 un permis de construire pour un énorme projet de complexe hôtelier avec centre d'Isothérapie, censé être centre de soins hospitaliers, accompagné des structures annexes : hôtels 3 étoiles, restaurants, commerces...

Plusieurs problèmes se posent à nous :

- l'isothérapie, qu'est-ce que c'est ?

- ces constructions sont-elles conformes à la législation, car elles sont prévues en bordure de la baie de Canche ?

Nous avons eu la curiosité de chercher sur le dictionnaire ce qu'était cette médecine inconnue des professeurs de la Faculté de médecine consultés ; voilà la définition du grand Robert : "méthode thérapeutique qui, comptant sur les égalités de puissance, d'action de force, met en jeu les moyens d'amener les divinités, les éléments, les hommes, les animaux, les végétaux, en un mot les causes qui ont fait la maladie, à faire la guérison".

Il apparaissait assez évident que cette méthode, pour le moins fantaisiste, pouvait s'apparenter au charlatanisme ; mais là n'était pas notre intérêt car chacun est libre de se faire "pigeonner". L'important pour nous était que cette méthode thérapeutique peu sérieuse nécessitait une implantation en bord de mer.

En effet, le projet était envisagé en partie sur la zone des 100 mètres protégée par la loi littorale de 1986, et le parking débordait sur vue zone N.D. du P.O.S., donc une zone nature inconstructible.

Nous avons donc déposé aussitôt un recours devant le Tribunal Administratif, demandant le sursis exécutoire et l'annulation du permis. Lorsque le jugement est passé à l'audience, le Commissaire du Gouvernement a demandé l'annulation du permis et le Maire du Touquet qui était venu spécialement de la Chambre (car il était député) pour défendre son projet, furieux et rouge de colère, a failli s'en prendre à moi à la sortie.

Mais le jugement, signifié le 24 octobre 1988, a mis un point définitif à l'affaire : le permis de construire délivré par le Maire du Touquet était annulé.

Les Maires, la loi et nous... pourquoi faut-il qu'il y ait conflit ?

La loi littorale qui avait vu au cours de sa préparation une concertation exemplaire jusqu'au niveau des associations s'était ainsi révélée particulièrement efficace et appropriée pour la défense du littoral. Nul doute que, sans elle, celui-ci serait aujourd'hui bétonné et macadamisé partout.

Il n'est pas inutile de rappeler au passage que nous la devons à un ministre élu de notre littoral (voir Bull. NORD-NATURE, 1983 et 1987).

 

 

4°/ Une victoire exemplaire : l'affaire Sun-Park

Le projet Sun-Park débute en 1989 par concertation entre les organisations de tourisme/loisirs et la multinationale Sun-Park. En fait, il s'agit d'un vieux projet du Maire de St Etienne-au-Mont, Conseiller Général du Pas-de-Calais, de développer un grand centre industriel de loisirs sur sa côte et la perspective d'obtenir des crédits européens, pour l'aménagement et pour la commune, en est l'occasion.

En juin 1990, le projet est présenté à la presse et il est créé un Comité de pilotage qui comprend tous les organismes et structures intéressés : les municipalités de St Etienne-au-Mont et d'Equihem (car le projet s'étend sur les deux communes), la Mission Côte d'Opale, le Conseil régional et l'Association "Nord Pas-de-Calais Développement", la Direction régionale du Tourisme, la D.R.A.E., la D.D.E. et, bien sûr, un bureau d'études. C'est donc un projet énorme qui va s'élaborer.

A partir de là, les choses se précipitent : en septembre 1990, une première étude d'impact est présentée (insignifiante, elle est écartée par la D.D.E.)... St Etienne-au-Mont met en route une révision du P.O.S. en avril 1991... en mai 1991, Sun-Park dépose son permis de construire... en juin 1991, l'étude d'impact définitive (après rectification de la précédente) est présentée... les terrains sont acquis à l'amiable par Sun-Park.

La conclusion était donc imminente et NORD-NATURE était vigilante car les terrains convoités pour l'aménagement constituaient une zone naturelle littorale répertoriée au titre de Z.N.I.E.F.F., le Val d'Ecault.

Il faut redire ici que NORD-NATURE n'a pas rencontré, au départ du projet, de réactions hostiles. Il n'y a aucune raison en effet, pour que les associations soient systématiquement et aveuglément contre des aménagements de loisirs (voir Bull. NN, 1991, fasc.65, p.39) mais encore faut-il qu’ils ne se fassent pas n'importe où, n'importe comment : dans le respect de la nature, dans le respect des lois.

Le projet comprenait la construction de 750 bungalows, d'un centre aquatique tropical de 17.741 m² avec bulle de verre, piscine et saunas, d'une salle de sports, d'une salle de séminaire, d'une galerie commerciale, d'un golf et aussi d'un hôtel 4 étoiles de 58 chambres. L'ensemble s'étendait sur une superficie de 80 hectares environ sur un complexe dunaire (dune récente et dune ancienne décalcifiée), l'ensemble ayant été classé en ZNIEFF type I et II du fait de la mosaïque des biotopes. C'était, sur le plan écologique, une zone précieuse protégée par la loi "littoral". Nous ne pouvions donc être d'accord avec l'implantation projetée et avions déjà vivement protesté auprès des autorités concernées.

Le permis de construire est signé le 16 juillet 1991... une date certainement pas innocente (voir Bull. NN.,1991, fasc.64). Nous étions sur nos gardes et j'avais demandé à trois ou quatre de nos adhérents du secteur de veiller ; car après le 14 juillet les gens partent en vacances. Heureusement l'un d'eux, resté là, m'informe par téléphone le 17... je devais partir en vacances aussi, avec ma famille... je retarde donc le départ pour pouvoir examiner le problème et trouver la solution...car on avait jusqu'au lundi 15 septembre pour déposer un éventuel recours... mais construire le dossier, rassembler les éléments... demande du temps.

Il fallait donc, très vite, trouver les moyens (arguments) juridiques à utiliser.

Réussissant à joindre la seule personne qui pouvait m'aider, nous trouvons quatre arguments. Il fallait maintenant un avocat à qui confier l'affaire si je voulais partir en vacances ; on m'en indique un qui avait fait partie d'une association ornithologique.

C'est une avocate, je prends rendez-vous... elle est d'accord pour préparer le recours avec les moyens que je lui indique mais que je lui demande de bien vérifier. Tranquillisé, je peux partir... avec huit jours de retard sur le programme familial prévu.

Rentrant de vacances trois semaines plus tard, je téléphone : la secrétaire de l'avocate m'apprend que celle-ci vient de partir en vacances et qu'elle n'a rien préparé.

Pas d'affolement ! il reste trois semaines.

L'avocate ne rentre qu'une seule semaine avant le délai de dépôt du recours et rien n'est prêt. Bien sûr j'avais plusieurs fois demandé aux deux mairies qui avaient délivré le permis de construire de m'envoyer copie de celui-ci, par lettre recommandée ; mais rien ne m'était parvenu sauf...une copie de la demande de permis qui, évidemment, n'avait aucune valeur juridique.

Alors par communications téléphoniques et fax les demandes sont renouvelées. L'un des permis de construire finit par arriver, mais pas l'autre (Equihem). Le vendredi, nous attendons le courrier... rien ! Or le délai pour le recours se termine le lundi suivant et, sans la copie des permis de construire, notre recours ne sera pas recevable.

Il ne reste plus qu'une solution : aller le chercher. Après le repas de midi, je prends ma voiture et je pars avec deux témoins éventuels (en cas de refus de la mairie de nous fournir le document)... Un aller-retour de 300 km... Heureusement, à la mairie d'Equihem, on a la copie du permis sans trop devoir insister et... on peut déposer à 17 heures le document chez l'avocate qui nous promet de déposer le recours introductif au greffe du T.A. le samedi matin.

On a réussi, de justesse, cette course contre la montre : un double recours a été fait, d'une part en vue d'un sursis exécutoire, d'autre part pour l'annulation.

Mais rien n'est fini. L'avocate a égaré les papiers sur lesquels je lui avais indiqué les moyens juridiques à utiliser et il faut les fournir pour le mémoire ampliatif détaillé. Dans la précipitation de juillet je n'avais pas fait de double ; il faut donc recommencer et je demande à l’avocate de m'envoyer copie de ce mémoire avant son dépôt au Tribunal. Je m'aperçois qu'elle n'a utilisé que trois des moyens sur les quatre que je lui avais indiqués. Mais il était trop tard, le jeu des mémoires en réplique de la partie adverse avait commencé et il fallait faire face... car chaque fois, l'avocate me demandait de lui préparer les éléments de réponse.

Nous avions, face à nous, dans la partie adverse, trois groupes d'avocats : un pour chacune des Mairies, l'autre pour SUN PARK INTERNATIONAL.

Arrive l'audience début 1992, pour le sursis exécutoire : l'affaire passait un jeudi matin à 9 heures. J'étais présent mais... pas l'avocate, et quand le Président du Tribunal a donné la parole à NORD-NATURE, j'ai dû improviser quelques phrases en l'absence de notre représentante. Ma déception a empiré quand le Commissaire du Gouvernement a lourdement appuyé sur l'un des moyens que nous avions présentés et qui était irrecevable. En réalité je n'étais pas sûr de sa conformité mais j'avais demandé à l'avocate de vérifier, ce qu'elle n'avait pas fait.

Il s'agissait de l'absence d'enquête publique que nous pensions être obligatoire selon la loi Bouchardeau ; en réalité, cette enquête publique n'était pas nécessaire puisque Sun Park était propriétaire des terrains et donc, il n'y avait pas d'expropriation (l'avocate aurait dû savoir).

Balayant le reste de nos arguments, le Commissaire du Gouvernement demandait au Tribunal de rejeter notre recours. Ce qui fut fait.

C'était, à ce niveau de l'action, un échec pour nous... et pour moi, car je n'était plus Président de NORD-NATURE depuis le début de l'affaire (juillet 1991), mais le nouveau bureau, sous la présidence de Madame Dhainaut, m'avait confié diverses responsabilités dont les affaires juridiques. J'ai donc demandé à la Présidente de réunir d'urgence le bureau pour décider de la suite à donner.

J'ai revu l'ensemble des problèmes et présenté mes propositions au Bureau :

1/ poursuivre l'action jusqu'au jugement concernant la demande d'annulation

2/ se séparer de notre avocate qui avait montré trop d'insuffisances dans cette affaire...

3/ reprendre les trois arguments restants, dont l'un avait été omis dans le dossier de l'avocate et qui me paraissaient sérieux :

La protection des paysages (art.L.111.21 du Code de l'urbanisme)

La réglementation des urbanisations nouvelles (art.L.146.4 du Code)

La protection des milieux naturels (art.L.146.6 du Code).

4/ reprendre seul le dossier plutôt que le confier à un autre avocat peu au courant des problèmes d'environnement... et trop coûteux pour nos finances.

Après une délibération difficile, le bureau de NORD-NATURE a suivi.

J'ai refait le dossier, en détaillant les divers moyens, en ajoutant les pièces annexes (plans, photographies, fiches Z.N.I.E.F.F., etc...) ; j'ai pu apporter la preuve que l'étude d'impact fournie était erronée (Z.N.I.E.F.F. de type I mentionnée comme type II). Le nouveau mémoire ampliatif était solide mais la partie adverse a usé de tous les moyens pour nous faire plier. Outre les va-et-vient des mémoires en réponse, nous avons dû subir des pressions diverses : celles des élus et des médias locaux mettant en avant les aspects sociaux de l’affaire, celle aussi d'une "chargée de communication" de Sun Park qui nous laissait entrevoir la possibilité de mesures compensatoires, celle du Préfet qui, au cours d'une entrevue avec nous (la Présidente de NORD-NATURE et moi-même), précisait que, connaissant le droit, nous n'avions aucune chance de gagner et donc nous conseillait d'abandonner le recours pour ne pas nous déconsidérer.

Heureusement, les statuts de NORD-NATURE précisaient que si un Président est habilité à déposer un Recours, il ne peut le retirer qu'avec l'accord du Conseil d'Administration. Le Conseil d'Administration consulté décidait de continuer. Notre responsabilité directe était donc dégagée et nous sommes allés jusqu'au bout.

Notre Recours a été jugé au Tribunal Administratif et le jugement lu en séance publique le 17 septembre 1992 : le permis de construire délivré à Sun-Park était annulé. Le Tribunal avait considéré que l'aménagement dépassait les dimensions d'un simple hameau et que l'urbanisation devait être en continuité avec l’existante, ce qui n'était pas le cas : c'est donc l'article L.146.4 du Code de l'urbanisme qui avait fourni le bon moyen.

On avait gagné... Mais pas pour longtemps. En effet, Sun Park de son côté et les deux communes concernées faisaient appel du jugement devant la Cour Administrative d'Appel de Nancy.

Il fallait donc continuer la lutte. J'ai repris les dossiers en les développant et en apportant de nouveaux éléments de preuves en faveur des moyens que nous avions présentés au Tribunal Administratif ; en particulier, NORD-NATURE a pu fournir, grâce à la collaboration de l'association locale "Opale environnement" (Mme Bécart-Leclerc, Présidente), une documentation photographique commentée des zones naturelles concernées (fascicule d'environ 50 pages avec photos couleur).

La Cour d'Appel de Nancy a statué le 27 mai 1993. Elle a rejeté l'appel fait par les deux communes et par Sun-Park Côte d'Opale (voir Bull. NN, 1993, fasc.71).

Ce qui est particulièrement intéressant dans ce jugement, c'est que la Cour d'Appel a pris en considération le troisième moyen que nous avions développé, c'est-à-dire l'art.L.146.6 du Code protégeant les milieux naturels remarquables et l'art.L.146.1 en vue de la préservation des paysages : qu'ainsi en délivrant les permis de construire contestés, les Maires de St- Etienne- au- Mont et d'Equihem-Plage se sont fondés sur une appréciation manifestement erronée des nécessités de la protection des espaces terrestres du littoral".

C'était une grande victoire... pour nous mais aussi et surtout pour la protection de la nature.

Le projet Sun-Park était éliminé mais cette décision de justice nous a valu des injures publiques (de certains élus locaux), des articles violents (de certaine presse locale), même des menaces (anonymes). Il est vrai qu'elle faisait perdre des profits importants à beaucoup... mais la nature, elle, qui n'a pas de prix, valait certainement beaucoup plus.

Encore une fois, ici, nous n'avions fait que faire respecter la loi sans causer tort à personne. Si Sun Park s'était installé plus en arrière de la côte, hors des zones naturelles à sauvegarder, nous n'aurions pas bougé.

Une concertation préalable ouverte aurait évité toutes ces luttes... à condition de s'être compris.

Respect de la nature, respect des valeurs durables, respect des lois sont, nous semble-t-il, des objectifs respectables.

Beaucoup d'autres affaires juridiques ont été menées, contre des P.O.S., contre des permis de construire, contre des aménagements divers. Il ne peut en être fait mention ici ; presque toutes ont été gagnées, celles qui ont été perdues nous ont chaque fois donné une leçon qui s'avère ou s'avérera précieuse pour l'avenir.

Nos succès sont aussi, nous le pensons, une leçon pour ceux qui envisagent impunément de tourner les lois qui protègent notre patrimoine ; les associations veillent et tentent d’agir là où mes pouvoirs publics ne le font pas. Pour nous, que d'énergie perdue qui pourrait être mieux utilisée, mais nous sommes persuadés de faire œuvre utile dans le sens de l'intérêt général durable.

6°/ Un succès qui bouscule des pouvoirs traditionnels : l'annulation du Schéma Directeur de l'agglomération lilloise

La lutte de NORD-NATURE contre le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme de Lille qui a eu lieu et se termine, au moins momentanément, par la victoire de notre Fédération remonte, en fait, au tout début des années 70, au moment même de sa création avec des périodes de crise et des périodes de rémission.

Cette lutte concerne un problème essentiel : l'incompatibilité entre un projet de rocade autoroutière au Sud de Lille et la sauvegarde des ressources en eau de la Communauté Urbaine.

Dès 1971 se posait le problème de l'alimentation en eau de l'agglomération lilloise, mais dans une irresponsabilité officielle difficilement concevable : on envisageait d'aller chercher l'eau dans le bassin de la Canche, à plus de 100 km de Lille, et on allait sacrifier les réserves aquifères de la nappe de la craie juste au Sud de Lille. En effet le Schéma Directeur, (S.D.A.U.) de la région, initié par le Livre blanc de l'OREAM Nord (1971), prévoyait le passage d'une rocade reliant au Sud de Lille les autoroutes prévues à l'ouest (vers Dunkerque) et à l'est (vers Valenciennes) de Lille, sur les champs captants qui fournissent quelque 30 à 40% de l'eau domestique de l'agglomération lilloise.

L'incohérence des projets était pire encore car le S.D.A.U. prévoyait aussi un immense Parc de la Deûle d'Haubourdin à la Bassée, censé protéger le paysage et la nature, alors que la rocade ne pouvait que tout compromettre. Par contre l'Agence de l'Eau de Douai ne s'y était pas trompé : elle avait vu dans le projet de Parc l'occasion d'améliorer les ressources en eau de la nappe par autoépuration des eaux de la Deûle et réinfiltration.

Mais il ne fallait pas de rocade Sud avec tous les risques de pollution, d'implantations urbaines et industrielles qu’elle pouvait entraîner.

Alors NORD-NATURE a, dès le début, alerté l’opinion contre ces incohérences et s'est opposée au projet de rocade. Le risque de réalisation de la rocade était réel; avec des emprises réservées aux P.O.S. Il s'est manifesté dès 1977-78; alors les associations ont réagi : NORD-NATURE bien sûr, et une association locale "Emmerin-Nature" (voir Bull. Nov. 1979, fasc. 15). Mais les affaires se sont alors tassées et on aurait pu croire le projet oublié : il a resurgi brutalement au début des années 90.

L'alerte est alors donnée par un projet de contournement par l'ouest de l'agglomération de Noyelles- les- Seclin (au Sud de Lille) qui passe justement sur les champs captants ; à l'occasion de l'enquête publique (1990), j'interviens donc au nom de NORD-NATURE, pour exprimer notre avis formellement défavorable.

C'est en 1990-1992 que se fait jour, au niveau de la Communauté Urbaine de Lille, un grand projet de révision du S.D.A.U (l'ancien date de 1971). En vue de procéder à cette révision se créait en août 1991 un Syndicat Mixte, regroupant, outre les communes de l'arrondissement de Lille, un certain nombre d'autres situées plus au Sud.

Ce Syndicat, créé pour cinq ans, décide à la fois le maintien du projet d'autoroute A1bis (dénommée aussi A24) et le contournement autoroutier Sud, traversant la zone de vulnérabilité totale des champs captants d'Emmerin, à proximité de sept captages d'eau potable. Cette rocade, pour rejoindre l'autoroute A27 Lille-Valenciennes, traverse aussi la vallée de la Marque, zone humide remarquable déjà bien dégradée par d'autres aménagements. La zone des champs captants du Sud de Lille qui fournissait 113.000 m3 / jour d'eau potable à Lille était étudiée par l'hydrogéologue expert Henri Maillot (Prof. à l'EUDIL, U.S.T.L.) : la nappe phréatique de la craie, considérable, était extrêmement fragile car la couverture de protection (argiles et limons) était quasiment nulle, ce qui avait amené le Préfet coordonnateur de Bassin (Agence Artois-Picardie) à prendre un arrêté créant un P.I.G. (projet d'intérêt général), en date du 31 mars 1992, en vue de protéger ces champs captants, différenciés en quatre zones : vulnérabilité totale, très forte vulnérabilité, vulnérabilité et zone en restructuration.

Le projet de rocade traversait justement la zone la plus vulnérable.

Dans le même temps, aussi, sortait la loi sur l'Eau (3 janvier 1992). Ces deux événements (P.I.G. et loi sur l'Eau) auraient dû retenir l'attention des aménageurs, mais ils ont été superbement ignorés.

En septembre 1993, un nouveau tracé, dit 3 bis, est ajouté, qui traverse toute la zone de très forte vulnérabilité.

Immédiatement, l'Agence de l'Eau, la D.R.A.E., la Région Nord Pas-de-Calais et NORD-NATURE réagissent pour exprimer leur opposition. L'Agence de l'eau édite et diffuse un petit dépliant "4x4" intitulé "Sécurité de l'alimentation en eau potable de la Métropole - Contournement Sud de Lille - Risque de pollution permanente".

C'était une alerte officielle des services compétents qui en même temps, proposaient une variante dite Nord pour éviter les champs captants.

En vain !

Lors de la réunion du 10 février 1994, le Syndicat mixte rejetait le tracé Nord et adoptait à la majorité (et non à l'unanimité) le tracé 3bis passant au Sud de Seclin au milieu de la zone de très forte vulnérabilité instituée par le P.I.G. avec deux échangeurs situés dans cette zone.

La délibération approuvant l'avant projet du Schéma suscita diverses oppositions : de certaines communes du S.I.V.U. du Sud de Lille, de la DIREN, de l'Agence de l'Eau, de la Chambre d'Agriculture du Nord et, évidemment, de la Fédération Nord-Nature.

Devant l'importance du problème, la Fédération Nord-Nature ne pouvait rester simple témoin des débats ; c'est Robert Biermant (Vice-Président) qui se chargea essentiellement de l'affaire : recueil des informations précises, élaboration d'un dossier, contacts avec les Services de l'Etat et les responsables politiques.

C'était le début d'une lutte de la Fédération contre un projet soutenu par de très hauts responsables au niveau de la CUDL, lutte pour la sauvegarde de la ressource en eau de cette même CUDL qui allait durer cinq ans. Mais l'affaire s'est avérée très complexe, avec de multiples rebondissements, des situations parfois confuses, et seule la détermination du Vice-Président Robert Biermant, alliée à une rigueur juridique exemplaire, allaient , avec le soutien associatif, et celui aussi plus discret, de certains services régionaux, permettre d'imposer la raison et sauver l'eau de l'agglomération lilloise. Il n'est pas possible de relater ici les détails de cette affaire et nous renvoyons le lecteur à l'article de R. Biermant (dans notre bulletin, voir REFERENCES).

La dernière bataille

Cette dernière et longue lutte a été extrêmement complexe particulièrement en 1996-97 car elle a porté sur plusieurs points :

- la réalisation du S.D.A.G.E. (Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux) qui découlait de la loi sur l'Eau de 1992 et était approuvé par le Préfet coordonnateur du Bassin le 20 décembre 1996. Ce S.D.A.G.E déclarait les champs captants du Sud de Lille comme irremplaçables et, d'après la loi, il s'imposait aux administrations et services de l'Etat.

- le début des travaux de construction de l'infrastructure routière du contournement ouest de Noyelles-lez-Seclin (mai 1997) sur la zone de vulnérabilité totale du champ captant d'Emmerin.

- le projet de "Lille 2004" en vue de l'organisation des Jeux Olympiques à Lille en 2004 qui envisageait un "ring autoroutier" autour de Lille et donc, la liaison A25/A27 par le Sud de Lille sur les champs captants et la vallée de la Marque (celle-ci déclarée zone humide prioritaire par le SDAGE).

Les interférences entre tous ces éléments et l'élaboration du SDDU n'ont pas été toujours faciles à comprendre, d'autant que le défaut d'information et même la désinformation ont été particulièrement marqués de la part des autorités.

Ce fut d'abord un rapport de la "Mission d'Inspection Spécialisée de l'Environnement" (MISE), transmis au Ministre de l'Environnement par les soins du Conseil Général des Ponts et Chaussées, le 28 juin 1994, qui restera confidentiel parce que défavorable au tracé dit 3 bis. Il n'a pas été transmis aux membres du Syndicat Mixte et donc pris en considération.

Et c'est ainsi que ni le règlement du P.I.G., ni le rapport de la MISE ne figuraient parmi les documents annexés au dossier du Schéma Directeur en décembre 1994.

Ce dossier fut mis à la disposition du public en novembre décembre 1994 (pendant 1 mois) et approuvé par l'assemblée plénière du Syndicat mixte le 22 déc. 1994, le début des hostilités sérieuses.

D'abord, la Chambre d'Agriculture du Nord demande un contrôle de légalité dûment motivé.

Pour sa part, la Fédération NORD-NATURE dépose une requête en annulation au Tribunal Administratif de Lille motivée, pour l'essentiel, par la très grave menace que représente le tracé 3 bis sur la ressource en eau des champs captants.

Devant cette situation, le Préfet demandait alors au Président du Syndicat Mixte, Monsieur Mauroy, de reprendre la procédure de révision. Ce premier projet était alors retiré par l'Assemblée communautaire au cours des réunions du 16 mars au 2 juin 1995.

La requête de Nord-Nature auprès du Tribunal Administratif étant alors sans objet, la présidence décidait le désistement de notre Fédération pour le premiers recours.

Tout était à refaire.

C'est alors les Jeux Olympiques qui entraient en scène. En effet Pierre Mauroy, Sénateur-Maire et Président du Conseil de la C.U.D.L. et du Syndicat mixte, annonçait la candidature de Lille pour les Jeux Olympiques.

Il fallait un immense anneau autoroutier ceinturant l'arrondissement de Lille : la Rocade Sud revenait à l'ordre du jour, mais, selon les exigences du C.I.O. (Comité International. Olympique), un volet environnemental devait être joint au dossier. Il fallait donc prendre en considération la protection de la ressource en eau et fournir un document désigné "Agenda 21" ; la préparation en était confiée à une "Commission Environnement-Développement durable".

Nord-Nature a été invitée à en faire partie et de nombreuses réunions se sont tenues à la M.N.E., où la Fédération était représentée par R. Biermant. Sous la pression des associations, la rocade Sud était abandonnée dans une première version, la décision étant reportée à 2015. Cependant, Nord-Nature, considérant que la protection de la nappe de la craie devait être absolue et définitive, ne pouvait donner son accord à cette version, et s'abstenait de signer la contribution des associations au dossier olympique "Lille 2004" ; elle a été la seule à refuser de cautionner "l'Agenda 21" élaboré.

Une seconde version du document reprenait alors l'avant projet du tracé 3 bis de rocade avec présentation d'un cahier des charges pour la prise en compte de la protection des champs captants ; cette version était adoptée en décembre 1996 sur l'affirmation, par le Vice-Président de la CUDL, que la Ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, était d'accord.

Mais NORD-NATURE, sceptique, ne pouvait être d'accord. Sur protestation de notre part auprès de la Ministre, Corinne Lepage, celle-ci envoyait alors au Vice-Président R. Biermant ainsi qu'à la Présidente du Conseil Régional M.C. Blandin, une lettre où elle se dégageait nettement de la position adoptée par la CUDL ; en effet elle confirmait nettement son désaccord en écrivant :

 

"...Je vous informe que, pour ma part, je suis opposée au passage de cette infrastructure dans les champs captants. La circonstance que mes services aient établi un cahier des charges qui contient des prescriptions de nature à préserver la ressource en eau ne saurait être interprétée comme la reconnaissance de la part du Ministre de l'Environnement du bien-fondé du choix qui a été fait par les Services de l'Equipement..."

C'était clair ! C'était le désaveu des services techniques du Ministère par leur Ministre ; c'était aussi la preuve que l'affirmation fournie à la réunion lilloise était fausse.

NORD-NATURE a tenté d'informer les maires du Syndicat Mixte de tous les problèmes et risques mais la totalité des lettres a été bloquée par la Présidence du Syndicat Mixte !

Le 9 juin, le dossier du S.D.D.U. (Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme) était soumis à la phase de "mise à disposition" du public.

Une manifestation d'élus opposés au tracé 3 bis, à laquelle s'est associée Nord-Nature, a été organisée le 14 juin 1997.

Pour leur part, NORD-NATURE et divers responsables étaient amenés à inscrire leurs observations sur les registres. La Présidente J. Istas, et moi-même au titre de Président d'Honneur (et à titre personnel), M. R. Biermant, Vice Président (et au titre de son association locale "Urbanisme et Environnement") ont ainsi exprimé leur avis très défavorable à ce nouveau Schéma directeur.

Entre-temps démarrait la construction du contournement de Noyelles-lez-Seclin. NORD-NATURE dépose aussitôt, en janvier 1997, un recours en annulation au Tribunal Administratif ; parallèlement, NORD-NATURE intervient auprès du Conseil Général maître d'ouvrage, pour rappeler l'incompatibilité, de l'aménagement avec les risques encourus et la législation. Reconnaissant sans doute le bien-fondé de notre argumentation, le Conseil Général devait ultérieurement mettre fin aux travaux : la tranchée déjà aménagée a été réengazonnée (et même semée en céréales).

C'était une première victoire car toutes ces infrastructures Rocade Sud et contournement de Noyelles relevaient pour nous du même problème : la défense de la ressource en eau des champs captants menacés de pollutions irréversibles.

Mais le projet du S.D.D.U. de la C.U.D.L. continuait son chemin. Une rencontre de NORD-NATURE (J. Istas, R. Biermant et moi-même) avec le Directeur de l'Agence d'Urbanisme de Lille restait vaine. En qualité de membre du Comité de bassin de l'Agence de l'Eau, j'ai donc demandé que ce Comité se prononce sur le projet en assemblée plénière ; c'est ainsi qu'une motion a été votée le 28 novembre 1997 par laquelle le Comité réaffirmait solennellement sa volonté de voir protégés les champs captants (motion adoptée à l'unanimité moins une abstention, malgré les réticences du Préfet coordonnateur).

Mais rien ne semblait pouvoir entraver le projet, les élus et les services de la C.U.D.L. continuant de vouloir ignorer le problème de la ressource en eau.

Par une délibération en date du 18 décembre 1997, le Conseil Syndical du Syndicat mixte approuvait le Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de l'arrondissement de Lille comprenant la Rocade Sud avec le tracé dit 3bis.

NORD-NATURE ne pouvait laisser faire. Sur accord de son Conseil d'Administration, la Fédération approuvait le principe d'une requête en annulation de la décision et chargeait le Vice-Président R. Biermant d'assurer le suivi de l'affaire.

La requête sommaire a été déposée le 17 février 1998, elle présentait les moyens juridiques suivants :

- la délibération soumise à l'assemblée plénière du Syndicat intercommunal n'avait pas fait l'objet d'un choix entre plusieurs tracés.

- le tracé, dit 3 bis, menaçait directement les champs captants protégés par le P.I.G.

- le tracé était incompatible avec les dispositions du S.D.A.G.E. approuvé par le Préfet, concernant les champs captants irremplaçables au Sud de Lille.

- le contournement Sud menaçait gravement les zones humides prioritaires de la Vallée de la Marque.

Une seconde requête en annulation était aussi déposée par le S.I.V.U. du Mélantois appuyée par les membres de celui de Seclin. Mais étant arrivée hors délai elle s'est avérée irrecevable.

Seul le recours de NORD-NATURE restait contre le projet.

Bien sûr, diverses initiatives et pressions furent tentées par des responsables du Syndicat mixte pour faire retirer le recours de NORD-NATURE. Mais nous n'avons jamais cédé, conscients d'agir pour l'intérêt général et pour le développement durable.

L'instruction s'est donc déroulée normalement avec les allers-retours des Mémoires en réponse, le Syndicat Mixte étant, bien évidemment, assisté d'un avocat ; à NORD-NATURE nous avons fait confiance à R. Biermant. L'audience a eu lieu le 12 avril 2000 : le Commissaire du Gouvernement a recommandé l'annulation du S.D.D.U. Cela a été pour nous un moment d'intense émotion. Mais avant de laisser éclater notre satisfaction, nous avons prudemment attendu notification du jugement qui a été rendu public le 19 avril.

Nous avions gagné et même au-delà de ce que nous avions espéré, puisque nous refusions seulement la Rocade Sud ; le Tribunal, lui, annulait la totalité du S.D.D.U.. Le jugement mentionnait :

 

"Le principe de précaution appliqué à la préservation de la ressource en eau, la délibération du 18 décembre 1997 (approuvant) la révision du Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de l'arrondissement de Lille, est ainsi entachée d'illégalité et ne peut, par suite, qu'être annulée".

C'était une victoire retentissante : une association réussissant à faire annuler un S.D.A.U. en utilisant les dispositions d'un S.D.A.G.E. résultant de la loi sur l'eau.

La presse (régionale et nationale), les télévisions aussi, ont abondamment rapporté l'événement.

Le succès, nul doute, fera date car il semble aujourd'hui définitif. En effet, le Syndicat Mixte a décidé de ne pas faire appel du jugement, mais il a, cependant, adressé au Ministère de l'intérieur et au Conseil d'Etat une demande pour des éclaircissements sur les modalités d'application du jugement ; NORD-NATURE, réagissant sans plus attendre, a aussitôt argué de l'indivisibilité de tout jugement, et du fait que la délibération annulée était censée n'avoir jamais existé.

La ressource en eau du Sud de Lille grâce à NORD-NATURE a ainsi été protégée par la justice et non par ceux qui avaient le devoir de le faire dans l'intérêt des populations qu'ils représentent.

C'est sans doute la première fois qu'une collectivité territoriale forte de plus de 1 million d'habitants et "d'éléphants" de la politique (régionale et nationale) a dû plier le genou devant une petite association...

...au nom de la loi.

 

Références

- Comparaison de deux tracés autoroutiers entre Valenciennes et Orchies (C 27), P.Tombal, Bull. NN, 1976, fasc.5, p.30-34

- La forêt, victime des hors-la-loi officiels, Association de défense de la forêt et du Parc régional (A.D.F.P.N.R.), Bull. NN, 1979, fasc.15, p.27-28

- Il était un petit bois de France.., .J. Petit, Numéro spécial, 1980, fasc.20, p.66-67

- NORD-NATURE dans les luttes juridiques. Echecs et Succès, E. Vivier, Bull. NN, 1981, fasc.27, p.14-18

- Une loi pour le littoral. L'opinion de NORD-NATURE sur le projet, E. Vivier, Bull. NN, 1983, fasc.32, p.8-12

- La loi "Littoral", E. Vivier, Bull. NN, 1987, fasc.46, p.3-4

- Dernière heure : Victoire au Touquet, E. Vivier, Bull. NN, 1988, fasc.58, p.40

- Annulation d'un permis de construire sur le Littoral du Touquet, E. Vivier, Bull. NN, 1988, fasc.53, p.27

- SUN PARK... pourquoi un recours de NORD-NATURE, E. Vivier, Bull. NN, 1991, fasc.65, p.39-40

- L'Ecologie au fil de l'été, E. Vivier, Bull. NN, 1991, fasc.64, p.3-6

- Des vagues sur le littoral... NORD-NATURE obtient l'annulation des permis de construire SUN PARK, E. Vivier, Bull. NN, 1992, fasc.69, p.6-8

- SUN PARK... le coup de grâce, E. Vivier, Bull. NN, 1993, fasc.71, p.42-43

- La Rocade Sud sur le territoire d'Emmerin, R.D.(Emmerin Nature), bull. novembre 1979, fasc. 15

- La révision du Schéma Directeur : une longue lutte pour l'eau, R. Biermant, bull. N.N, n° 101 (à paraître).

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