nn1.gif (2843 octets) Chronique d'une inondation annoncée 3/3

Florent Lamiot

 

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Vendredi 8 mars 2002 : Grande réunion d’information.

Pour répondre aux questions des habitants, expliquer comment préparer les dossiers d’assurances, et tenter de comprendre ou faire comprendre, une grand réunion est organisée et annoncée depuis quelques jours par les élus de la vallée et le sous préfet. Elle se tient à Blendecques dans la grande salle de sport ou des fêtes. Pendant près d’une heure une file ininterrompue de gens au visage anxieux ou tendus entrent, il faut ajouter des chaises, puis des bancs.

Alignés sur les gradins et les bancs, debout, ou assis par terre, Il y a des gens de toute la vallée, souvent silencieux, mais très attentifs Pendant que je prends des photos et des notes, le maire présente l’objet de la réunion, remercie les entreprises qui ont donné de l’argent ou des aides en nature, annonce la création d’une association pour la solidarité.. Le préfet explique, me semble-t-il très honnêtement et avec une bonne connaissance de la question ce qui s’est passé. On entend mal parce que la sono est mauvaise.

Puis les questions fusent, avec parfois le ton qui monte.

Les gens d’Arques et certains de Blendecques semblent particulièrement mécontents de la manière dont les évacuations et les distributions de parpaing ont été faites. Une jeune femme demande longtemps la parole que les autorités semblent vouloir lui refuser. Une partie de la foule demande pour elle le micro. Tantôt on hue ceux qu’on pense être responsables, tantôt on applaudit les sinistrés qui accusent. Quelques personnes peuvent prendre la parole au micro quelques minutes pour poser des questions, et souvent pour témoigner. Certains demandent si l’on peut augmenter les débits de pompage de l’Aa, si l’on a assez nettoyé la rivière, ce que les maires ont fait ou comptent faire, s’il y a encore des risques. On a frôlé les manifestations violentes lorsque le sous-préfet a annoncé que de l’eau de la Lys avait été envoyée vers st Omer. " On a sacrifié Arques et Blendecques pour sauver Aire " ont crié de nombreuses victimes des inondations. C’est effectivement difficile à accepter, car la lys qui menace aire est un autre bassin versant que le nôtre.. Ca rappelle les rumeurs de la somme qui aurait été inondée pour sauver Paris.

Dans le groupe des gens qui sont descendus vers les tables disposés au centre pour les officiels, je demande la parole en levant souvent et longtemps le doigt, mais on ne me propose le micro que parmi les derniers. Je ne sais pas trop ce que je vais dire et j’ai du mal à commencer parce que des gens crient sans micro dans la foule en demandant notamment qu’on cure et " nettoie " plus encore la rivière, et que je ne pense pas que ce soit la solution.

Pour ma part, en parlant trop vite parce que le maire me faisait signe de ne pas prendre trop de temps, j’ai dit mon étonnement de voir des bassins de rétention vides ou très peu remplis, et des milieux si secs en périphérie de Blendecques et du bassin moyen de l’Aa, avec au même moment une telle violence de la crue en fond de vallée. J’ai donné quelques pistes de solutions, j’ai parlé d’Adopta et des 120 dispositifs de rétention de l’eau qu’on peut visiter et copier dans le Douaisis, j’ai évoqué le rôle du parc, les conseils de l’Agence de l’eau, les documents que j’avais apporté, l’importance de l’atlas des zones inondables et des responsabilités de tous et chacun, mais aussi de l’agriculture et des communes. J’ai dit que j’avais trouvé des déchets probablement toxiques mis à jour par la crue en face de chez moi.. J’ai dit que de par mon métier, comme en tant qu’associatif, j’avais travaillé sur les inondations et qu’il serait intéressant et utile de demander aux conseils généraux et au conseil régional une aide basée sur la prévention plus que sur le curatif, et qu’il faudrait aussi se préparer à pire.

J’avais ramené une importante documentation sur les inondations et leur prévention que j’avais disposé sur les tables des élus avant le début de la réunion, mais aussi un peu dans le public à la fin (Je ne trouvais plus mes cartons de documentation. Ils étaient posés sur la poubelle).

Beaucoup de gens sont venus me voir le soir. Certains m’ont demandé mes photos. J’espérai que les élus locaux m’inviteraient à la réunion qui a suivi, soit en tant que représentant de la collectivité qui m’avait missionné pour être là, soit en tant qu’associatif local travaillant sur l’environnement et la rivière depuis 20 ans, soit en tant qu’individu proposant son aide. Ca n’a pas été le cas. Je voulais parler au sous-préfet, mais il était accaparé par des élus locaux en arrivant, et il est parti avant que j’ai pu lui dire un mot.

 

 

Ajout 27 avril :

La végétation (parfois en fleur avec un mois d’avance) a incroyablement rapidement recolonisé les zones décapées par la crue.

Mais le sol de la maison (carrelage de tomettes en particulier) ne sèche pas, et j’ai des remontées de salpêtre un peu partout. Et une partie du tas de bûches qui se couvre de moisi.

Les saules qui ont survécu et ont été balayés par les déchets mis à jour par l’inondation sont malades (feuilles couvertes de ce qui semble être un champignon jaune orangé)

Dehors, dans les champs, tout est déjà trop sec. En Picardie que j’ai traversé le 23 avril dernier, on arrosait déjà la terre pâle et poussiéreuse des champs.

Tout est sec, et pourtant on entend encore des bruits de bottes.

Fin provisoire ?

 Annexe :

Les communes concernées par le S.A.G.E. Audomarois sont les suivantes :

Dans le Nord :Eblinghem, Lynde, Nieurlet, Noordpeene, Renescure, Saint-Momelin, Watten.

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Dans le Pas-de-Calais :Acquin-Westbecourt, Aix-en-Ergny, Arques, Affringues, Avesnes, Avroult, Bayenghem-les-Eperlecques, Bayenghem-les-Seninghem, Becourt, Blendecques, Bléquin, Boisdinghem, Bourthes, Bouvelinghem, Clairmarais, Campagne-les-Boulonnais, Cléty, Coulomby, Elnes, Eperlecques, Ergny, Esquerdes, Fauquembergues, Hallines, Helfaut, Herly, Heuringhem, Houlle, Lédinghem, Leulinghem, Longuenesse, Lumbres, Mentque-Nortbecourt, Merck-Saint-Liévin, Moringhem, Moulle, Nielles-les-Bléquin, Nort-Leulinghem, Ouve-Wirquin, Pihem, Quelmes, Remilly-Wirquin, Renty, Rumilly, Saint-Martin-d'Hardinghem, Saint-Martin-au-Laert, Saint-Omer, Salperwich, Séninghem, Senlecques, Serques, Setques, Tatinghem, Thiembronne, Tilques, Vaudringhem, Verchocq, Vieil-Moutiers, Wavrans-sur-l'Aa, Wicquinghem, Wismes, Wisques, Wizernes, Zoteux, Zudausques.

Valérie me dit qu’à Ouwe-Wirquin, dès vendredi midi, les routes étaient coupées par une eau torrentueuse et que les gens hébétés n’avaient pas même eu le temps de poser des parpaings ou protection ils regardaient l’eau passer, porte ouverte.. Elle a eu le même sentiment de surprise et d’étrangeté et se souvient qu’à part quelques fossés pleins d’eau, il n’y avait pas de traces d’inondation dans le haut ou la partie médiane du bassin versant.

Ce n’est que dans le lit majeur de la rivière que l’eau était présente et dévastatrice, mais elle était boueuse, alors que l’eau de source ou de remontée de nappe devrait être claire..

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le moulin Snic

Il faut tenir compte de l’imperméabilisation/urbanisation croissante. La comparaison d’images aériennes de l’après guerre et d’aujourd’hui est frappante.

Il faut tenir compte du fait que les sécheresses successives (records centennaux et de mémoire d’homme dont 1976 et 1989) et la dégradation des sols ne favorisent pas l’infiltration, le stockage des eaux pluviales et de ruissellement. . Au contraire, on cherche à évacuer l’eau plus vite vers les vallées (en préparant l’inévitable sécheresse future ?)

Il faut tenir compte des milliers de Km de fossés ruraux qui ont disparu, alors que les fossés de routes s’élargissaient le plus souvent sans dispositif d’infiltration, de rétention ou de réduction des flux.. des chemins de terre qui ont été imperméabilisés, des sols et des écosystèmes qui se dégradent.

Il faut tenir compte en région des affaissements miniers et des pompages qu’ils occasionnent.

Y aurait-il les premiers signes d’une montée des océans (mesurée par Topex Poséidon et successeurs) ? et avancée du biseau salé lors des grandes marées ?

Et surtout il faut tenir compte des vrais coûts des inondations, des sécheresses et de notre inaction.

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