nn1.gif (2843 octets) Chronique d'une inondation annoncée 2/3

Florent Lamiot

 

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Dimanche 03 mars 2002 9 h du matin : Il fait paradoxalement très beau. L’eau baisse toujours..

J’ai toujours mal à la tête (genre sinusite et difficulté à tenir les yeux ouverts) et me sens perclus, mais je me réinstalle avec mes notes et photos devant le clavier de l’ordinateur avant d’oublier.. parce que je sais qu’on oublie vite ce genre de chose, ne serait ce que pour se protéger et ne pas admettre qu’on est au moins co-responsable.

Je suis finalement assez choqué, psychologiquement. Ca me surprend vraiment. Je tremble encore et ça me surprend, par ce que j’ai connu d’autres inondations graves, des tempêtes vraiment violentes, avec des bateaux et des morceaux de caravanes qui s’envolaient et passaient par-dessus des murs, d’autres situations difficiles, où j’ai failli mourir parfois, dans des situations bien plus dangereuses, ou face à une nature bien moins maîtrisable encore, et je ne me suis jamais – JAMAIS, sauf une fois où il était aussi question de Nature délibérément détruite avec préméditation, senti dans cet état. (peut être même pire, mais je n’ai pas pris le temps à l’époque d’analyser ce qui se passait et je l’ai regretté)..

Là j’ai l’impression d’avoir rêvé, et aussi de vivre certaines réactions des habitants de la Somme que je n’avais pas bien comprises en les voyant à la télé, et je voudrais essayer de mieux comprendre et éventuellement faire comprendre.

Qu’est ce qui était hier différent ? ou particulier ? qui puisse me mettre dans cet état.

C’est une brutale et violente contracture dans le mollet qui m’a réveillé ce matin, avant que je ne sois vraiment reposé (Dans mon hyperactivité d’hier, je n’ai presque rien bu. J’ai été dans l’eau toute la journée, mais j’ai du me déshydrater).

C’est " drôle ", avant-hier soir quand nous avons appris la nouvelle, après une double rude journée de travail, c’est M… qui a eu une sorte de névralgie brutale, doublée d’une sorte de crampe du plexus, et d’une crise de tétanie, avec envie de vomir, qui l’a pliée en deux pendant 10 minutes.. C’est la première fois que ça lui arrivait.

Nous rentrions du boulot, avions récupéré notre fille à l’école et avons appris la nouvelle par téléphone vers 9h ou 10 h du soir. Plusieurs amis ou presque voisins nous ont appelé successivement en nous disant de regarder les infos (mais nous n’avons plus de télé, et nous n’avons même pas eu envie ni besoin d’écouter la radio – en réalité je crois que nous n’y avons pas pensé –).

Ce n’est pas trop la peine de rentrer chez vous parce que les gendarmes et pompiers vous interdiront d’approcher et la route est sous l’eau.. Un vrai torrent... Les écoliers de Blendecques, et quelque chose comme 300 familles et tous les collèges de la vallées ont été évacués " nous ont expliqué rapidement Etienne et Richard, avec beaucoup de tact et avec un ton irréel et étrangement détaché.. (Etienne travaille dans un collège qui a entièrement du être évacué). Il était " calme " un peu comme quand il vient d’y avoir un mort dans la famille. Il n’a pas eu le temps de me donner les détail qui m’auraient le plus intéressés.. " L’eau monte partout et elle est montée extrêmement vite, bien plus vite que d’habitude " ce que me confirmeront d’autres amis au téléphone.. " Même la caserne des pompiers est sous l’eau " ajoute Étienne.. Ah !..

J’appelle Martine qui habite sur la route qui monte au plateau et qui connaît bien la rivière, les landes humides, le marais, qui est conseillère municipale et dont je sais qu’elle comprend parfaitement la problématique et les causes des inondations.. Je n’ai pas reconnu sa voix, j’ai cru que c’était sa maman.. Elle n’a plus d’électricité depuis 13 h mais le téléphone fonctionne encore.. Elle n’a jamais vu ça.. Elle a essayé d’aller voir chez moi, mais elle n’a même pas pu approcher de l’entrée de ma rue à cause du courant qui risquait d’emporter les gens et des rues barrées par les pompiers ou la police.. Après, elle a eu fort à faire pour aider là où elle pouvait. Tout est confus, mais je comprend que les gens ont été évacué vers la salle des fêtes d’abord, puis qu’il a fallu les évacuer vers le château de la fédération des œuvres laïques un peu plus en hauteur, ce qui m’a sérieusement inquiété, par ce que la salle des fêtes est dans mon souvenir relativement en hauteur et protégée par rapport à la rivière et par rapport au moulin que nous avons acheté en 97 (en très mauvais état, pour le restaurer petit à petit et y habiter). Elle me dit que les corons Avot sont sous l’eau, ce qui ne m’étonne pas ; ils sont construits en zone très inondable et sont périodiquement inondé et on ne songe jamais à réinstaller les gens ailleurs..

J’ai l’estomac ou le diaphragme qui se nouent, et qui le sont toujours deux jours après.

Par sympathie sans doute, Myriam se noue également.

ajout 1 : Dimanche soir en relisant ce texte, je m’aperçois que j’ai aussi la mâchoire serrée presque à en avoir une crampe et que ça me fait mal aux dents et que ça doit être comme ça depuis deux jours.. je respire profondément et me calme, mais c’est à peine mieux

ajout 2 : Idem 3 jours après, et là c’est ma fille que j’ai du aller chercher à l’école, nouée et apparemment en état d’hypoglycémie, ce qui ne lui est jamais arrivé.. Elle voit des petits points partout). On somatise…

 

Au téléphone, Martine me confirme qu’il y a de l’eau jusque sur la place et que le château de Westhove est dans l’eau comme les parties basses de toutes les communes de la vallée.. Pour le haut de la rue Jean Jaurès, j’ai du mal à la croire. J’ai une totale confiance en ce qu’elle dit, mais une partie du moi n’y croit pas.

Etienne me confirmera plus tard qu’il y a même de l’eau sur la grand place d’Arques.. ce que je n’arrive pas à croire et qui m’inquiète fortement parce qu’il me semble que c’est au moins aussi haut que le niveau de certaines installations d’une grande usine proche, classé Seveso. J’ai le souvenir d’alignements de bidons de produits chimiques sur le bord d’un petit cours d’eau, proche du canal. Je pense que l’usine est protégée, mais je n’en suis pas certain.. Je pense aussi aux bidons de produits chimiques dans la vallée (industrielle) de l’Aa, dont l’un proche de la berge d’une des papeteries, je pense aux 4 papeteries de la vallée, mais aussi à l’entreprise Deroo sciemment installée en zone inondable avec la bénédiction du District, et dont les camions était pour certains déjà dans l’eau jusqu’au moteur lors de la dernière inondation, ce qui n’a surpris personne.

Une fois le téléphone raccroché, comme pour éloigner le sort, nous avons traité le sujet très légèrement, calmement, presque sereinement, avec philosophie, en souriant.. Myriam a même rit... On a plaisanté : Après les impôts (qui se sont trompés et nous ont fait payer aussi pour un logement que nous n’occupons plus depuis 2 ans mais sans nous rembourser comme ils nous l’avaient promis), après la chaudière tombée en panne, après le chauffe eau qui ne marche plus, et divers soucis que je ne détaillerai pas ici, voilà le pompon ! la cerise sur le gâteau voilà qu’on évacue Blendecques.. à cause d’une inondation, dont le point central géographique semble selon les nouvelles téléphoniques être notre maison.. (Aurais-je oublié de fermer un robinet en partant ? dis-je en pouffant de rire)

(Notre maison est un ancien moulin à eau, construit très surélevé sur une presqu’île en plein centre ville, entre deux autres anciens moulins.. )

… Il va bien falloir que ça cesse, et que ça aille mieux..

Finalement, ce moulin qui a engloutit tout notre argent et beaucoup d’énergie depuis 15 ans, qui a fièrement résisté aux tempêtes et à toutes les inondations de mémoire d’homme, ce moulin que nous avons en grande partie reconstruit avec amour et avec nos petites mains.. (Si nous l’avons acheté le prix du terrain, c’est qu’il n’était pas en très bon état, et aussi que nous ne pouvions dépenser beaucoup plus.. même avec nos droits à emprunts. J’y ai passé dix heures par jour entre 1987 et 1990.. Mais nous ne l’avons pas réparé n’importe comment. Nous avons sculptés les murs, ornementés les liteaux, les poutres, toutes restaurées avec des matériaux anciens de plus de 300 ou 400 ans souvent.. Est ce qu’il ne serait pas raisonnable de le vendre ? N’est ce pas au dessus de nos moyens ou de nos forces ?..

De toute façon, contre l’eau on ne peut rien faire, sauf au moins et dans un premier temps ; Attendre..

J’ai ri moi aussi.. On s’est conforté l’un l’autre.. En général quand il m’arrive quelque chose de physiquement grave ou dangereux, ça me fait d’abord rire, c’est ma manière d’affronter l’adversité.. Et même je me dis un peu d’aventure, de piment dans la vie, ça forge le caractère, ça rend les gens plus solidaires et sympa..

Mais notre fille (9 ans) a bien décelé l’angoisse cachée derrière le ton de nos plaisanteries, et avait déjà compris au travers des réponses que je faisais au téléphone, ou à Myriam que quelque chose d’inhabituel se produisait. Elle a pleuré, en pensant à sa chambre, toutes ses affaires, et curieusement à la collection de timbre qui serait foutue, à laquelle elle s’intéresse épisodiquement mais pas plus que ça..

Dans ses sanglots, elle a même accusé " ce stupide effet de serre ". Ca m’a fait sourire, mais aussi réfléchir. Plus tard elle a aussi dit " c’est la faute au dico d’or ". Comme je ne comprenais pas elle m’a expliqué qu’à l’école, ils ont fait jeudi dernier une dictée pour le concours du dico d’or, qui parlait des inondations de la Somme.. Et vendredi elle apprend que les maisons de notre quartier sont évacuées. Lien de cause à effet, pensée magique à laquelle les adultes croient échapper, mais qu’ils ne font peut être que travestir..

Etienne m’a dit au tel qu’il fallait que je l’appelle quand je serais sur place, que nous pouvions dormir chez eux, et les appeler pour un coup de main. (Il habite lui-même en limite d’une zone déjà dangereusement inondée.)

D’après les bribes d’informations que j’ai réuni, on habite dans l’œil du cyclone.. ou plutôt au centre de l’inondation la plus inhabituelle… nos gorges se serrent.

Et pas de chance, Myriam travaille Samedi (formation). Les parents d’une amie de notre fille acceptent gentiment d’aller la chercher à l’école et de la garder jusqu’à ce que Myriam puisse la récupérer et je promets de téléphoner à 13 h dernière limite pour donner des nouvelles.

Puis pour me fatiguer j’ai travaillé (beaucoup trop tard), tout en me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire, en préparant dans ma tête divers scénarii de sauvetage et matériels à emporter.

Ce qui est très angoissant est qu’on ne savait pas exactement ce qui se passait chez nous (Habituellement, j’ai les pieds dans l’eau quand ça monte et ça ne monte que chez les voisins, et je trouve toujours quelques chose à faire)

Et curieusement, je n’ai à aucun moment pensé à écouter la radio (également censée annoncer les consignes à suivre en cas d’accident d’usine Sévéso ou nucléaire). Je ne voulais pas no plus gêner d’autres gens tard le soir en leur demandant si je pouvais regarder la télé chez eux. De toute façon, les journalistes n’auraient probablement pas plus que nous le droit d’approcher notre quartier, et ça risquerait au mieux de m’empêcher de bien dormir.

J’ai pensé à mes voisins, et notamment à une famille que j’ai connue quand j’étais tout petit et pour laquelle j’ai une affection particulière... Ils habitent dans une toute petite maison, tout entourée de fleurs, mais qui a l’air la plus fragile de toutes dans la vallée, et très proche de la rivière (en fait, sauf pour la cave, le bois de chauffage et le jardin, ils seront presque épargnés). Un autre voisin m’est extrêmement sympathique. Il habite de l’autre côté de la rivière, face à notre cuisine et a lui, un mur déjà sérieusement entamé dans sa partie basse, suite à la baisse chronique du niveau moyen de la rivière (suite à la suppression des vannages). La baisse de l’eau a mis à jour une ancienne maçonnerie de pierres calcaires gélives, cimentées à la chaux hydraulique naturelle. Son mur se détruit un peu plus à chaque gel depuis 10 ans. J’imagine que si ce mur tombe, le courant risque d’être fortement dévié vers nos fondations, également endommagées pour la même raison mais moindrement car il ne s’agit pas de pierres calcaires de ce côté mais de briques. Seuls les joints disparaissent.

Ne sachant ce que la baisse des eaux mettrait à jour comme dégâts, j’ai appelé tardivement mon Directeur chez lui, pour lui dire que j’avais un problème d’inondation et que peut-être je ne pourrais être au travail lundi matin, jour de la sacro-sainte réunion de service.

Il comprend bien la situation, et conclue involontairement par la formule consacrée " bon week-end.. " avant de bafouiller, quelque chose qui me fait comprendre que ce n’est pas ce qu’il voulait dire. Je raccroche en pouffant de rire à ce lapsus que j’aurais certainement commis dans les mêmes circonstances.

Avec le recul, je me dis que je dois avoir une attirance atavique pour l’eau. Fils et frère de marin, petits fils et arrière petit fils de meuniers. J’ai toujours eu la mer, un canal, une rivière, un bassin ou une mare ou rêvasser, où plonger les mains et le regard, depuis tout bébé..

J’ai vécu bien des inondations depuis que je suis tout petit. Au moins une vingtaine.

Parmi mes meilleurs souvenirs d’enfance, j’ai vu avec enthousiasme l’eau surgir en geyser du WC de la maison familiale quand j’avais 7 ou 8 ans, alors que mes parents nous évacuaient précipitamment à l’étage, et que la citerne de fuel a demi vide s’arrachait de sa fosse pleine d’eau en fracassant la lourde dalle de béton qui la couvrait. J’ai vu une inondation charrier des bûches, des milliers de pommes et des dizaines de bouteilles de vin traverser le jardin pour filer vers le canal (c’était les provisions de mes grands parents qui s’enfuyaient par les soupiraux de leur cave.. J’ai souvent vu l’eau très lentement inonder le jardin, puis la maison, puis les routes adjacentes de plus en plus souvent, et presque tous les ans. Enfants nous attendions presque l’évènement avec impatience.

Vers 6 ou 7 ans, un dimanche, en costume gris en revenant de la messe (j’allais à la messe à cette époque), j’imitais le geste du patineur en glissant sur la glace qui s’était formé sur l’inondation du jardin, et dans un grand craquement je suis passé au travers ; Je me souviens encore de ma crispation dans l’eau glacée, je me revois me débattre dans mon costume gris de nylon du catalogue 3 suisses (la seule veste que j’ai jamais porté), et j’ai encore le souvenir du plafond de glace translucide où au bord de l’asphyxie et dans un ballet de feuilles et de particules en suspension que j’agitais de mes mouvements désespérés et vains. Je ne trouvais plus le trou pour sortir. Je me souviens aussi de mon père qui avait heureusement vu la scène et s’était précipité pour me sortir de là.. Par amour sans doute et en contrecoup de la grande peur qu’il a du avoir, il m’a filé un magistral coup de pied au cul, le seul qu’il m’ait jamais donné, qui m’a envoyé au moins 2 m plus loin, en criant sur un ton furieux  : " Ton costume du Dimanche ! File te changer.. "… Ce que tout courant je me suis empressé de faire.

A peu près au même âge, j’ai sorti de l’eau mon frère deux ans plus jeune alors qu’il était en passe de se noyer (nous nous étions approché trop près du bord pour lancer des marrons). Voulant le nettoyer et le sécher pour que mes parents ne se rendent compte de rien, je l’ai rendu tout vert en frottant avec des feuilles mortes alors qu’il était couvert d’algues filamenteuses. Trahi par les algues et les habits qui n’avaient pas eu le temps de sécher, j’ai eu droit à un mémorable sermon sur ma responsabilité d’aîné à l’égard des 4 petits frères et sœurs que je ne devais pas inciter à approcher l’eau autrement qu’en présence d’un adulte.

Bref, je n’ai jamais eu de peur irraisonnée de l’eau, mais je crois toujours avoir eu conscience de sa force tranquille ou dévastatrice (je me souviens de plusieurs vraies tempêtes, dont une qui a projeté un pétroliers et un gros bateau sur les rochers en Bretagne, et dont une a pour la première fois fait faire demi-tour à mon père réputé très bon marin et vieux loup de mer. Je me souviens aussi d’une chute épique et solitaire dans un torrent raisonnablement furieux, mais excessivement glacé, où j’ai sauvé mon appareil photo après être passé au travers d’un pont de neige avec une paire de skis aux pieds. Une fois sortie d’affaire, claquant des dents et heureusement assez proche de mon point de chute, j’avais beaucoup ri de mon aventure, mais sans l’ébruiter. Je me sentais en pleine forme.

J’ai vu l’an dernier dans un champ du bassin de la Canche une ravine d’érosion , creusées en quelques mois, où l’on aurait presque pu rouler en voiture tant elle était large et profonde… qui m’a rappelé un pan de route emporté par la pluie avec 4 m d’épaisseur de terre en Guyane où j’ai reçu une pluie qui m’a donné l’impression d’être sous une lance à incendie.. J’aime donc l’eau… mais avec la plus grande prudence.

Dans les années 70, plusieurs fois nous avons fait en famille de la barque au dessus du jardin sur un mètre d’eau, avec des inondations qui ont duré jusqu’à plusieurs semaines.. Et ce n’était rien par rapport à ce que vivaient les gens du marais à 20 km de là je suppose.

Nous avons souvent nettoyé la maison totalement inondée (une ancienne écurie) où mes parents ont fini par faire poser un revêtement mural spécial supportant mieux les inondations, plutôt que de refaire sans cesse les plâtres.

J’ai vu de véritables jets d’eau gicler entre les briques de la cave de la maison que nous avons ensuite habité.

Finalement nous avons déménagé, mais suite à des travaux hydraulique et à une gestion différente des écluses du canal cette zone n’est plus jamais inondée à ce point. J’y suis passé hier matin, il n’y avait qu’un petit début d’inondation, comme il y en a presque tous les ans, alors que toute la vallée de l’Aa non loin de là était sous l’eau.

Puis après quelques années à Lille, j’ai quelques temps habité à St Omer. J’y ai vu (plus récemment – août 98 ?) des plaques d’égouts sauter comme des bouchons de champagnes et le bitume se soulever lors d’une violente pluie d’orage, avec des torrents d’eau boueuse dévalant les pentes agricoles (souvent labourées et cultivées dans le sens de la pente). Si ce n’était normal, ça me semblait au moins explicable.

Et surtout, si j’en crois mes souvenirs, ceux de ma grand-mère, les archives et les anciens, dans le Nord pas de calais, réputé " plat pays " à cours d’eau lent et de faible déclivité (rien à voir avec Vaison la Romaine), on avait au moins autrefois le temps de se préparer : l’eau montait très lentement sur 3 ou 4 jours voire plus.. Il y a dix ans elle montait en 4 heures, ce qui laisse le temps de sauver l’essentiel, voire de calfeutrer les entrées.. Maintenant l’eau monte de plus en plus souvent (tous les ans ai-je l’impression) et avant-hier elle est montée en 1 h laissant à peine le temps d’une évacuation d’urgence, de force pour certains vieux qui ne pensaient pas sur la foi de leurs ancêtres et de leur bon sens voir l’eau monter si vite et si haut.

Comme beaucoup de mes aïeux (tendance atavique inconsciente ?), je semble rechercher la proximité de l’eau. Ma compagne aussi peut-être qui enfant habitait dans la dernière zone humide de sa commune avec deux vraies mares dans le jardin.

L’eau est d’ailleurs ma boissons préférée, que j’apprécie claire et sans nuances javellisées, nitratées ni phytosanitaires. Celle des nappes de Blendecques est au goût une des meilleures que je connaisse.

Après avoir loué ici et là des appartements impersonnels au grès des mes études et premiers métiers, nous avons acheté très peu cher cet ancien moulin à eau dont personne ne voulait plus, presque sur une île, avec pour ma part l’idée originelle d’y construire un aquarium expérimental permettant d’étudier l’influence de la lumière et du courant et de la hauteur d’eau sur le choix de lieux de vie pour les végétaux et organismes aquatiques.

Prudent de nature, et nettement plus sensibilisé que la moyenne aux inondations (par mon histoire, mes activités associatives et depuis par mon métier qui est celui de la protection de l’environnement), plus sensibilisé également à la question des modifications climatiques globales et locales, j’ai naturellement pris soin de bien étudier l’histoire de la commune, du quartier et du moulin avant de l’acheter et de m’y installer.

J’ai passé une semaine aux archives départementales, et autant à la Bibliothèque de St Omer à fouiller les archives. J’ai interrogés le maire, les voisins, les anciens, les pêcheurs, et un archéologue ainsi que des amoureux des vieilles pierres. J’ai recherché les vieilles cartes postales, les plans, gravures et en ai trouvé jusqu’au 16 siècle. J’ai lu le terrier de Blendecques.

J’ai invité le plus ancien des ex-propriétaires vivants, qui y est né, et dont la tradition familiale n’a pas retenu d’inondation. J’ai trouvé les traces de 2 incendies, d’une dizaine de reconstructions et ajouts, mais point d’inondation. Je pense qu’il n’a pas été inondé au moins depuis 1700, et peut être depuis le 15° siècle, et peut-être jamais.. Car s’il est bâti au milieu de la vallée, c’est sur une île et bien surélevé.

Pas fous, et ne disposant ni des assurances, ni de la sécurité sociale, ni de pompes électriques, nos ancêtres se sont de ce point de vue souvent montré plus prudents que les édiles, aménageurs et lotisseurs ou spéculateurs fonciers contemporains… En particulier les meuniers savaient que le grain et la farine sont très sensible à l’humidité, comme les draps et feutres que le moulin battait aux époques de la gloire des tisserands de St Omer. Ce moulin méritait un fort rehaussement que les architectes successifs lui ont accordé et conservé. Des travaux qui ont du être très coûteux pour l’époque m’ont légué un rez de chaussée haut-perché à plus de 3 m au dessus du niveau d’étiage et de solides murs dont certains font plus d’un m d’épaisseur.

Et à l’époque récente (années 60/70) où les vannages existaient encore, plusieurs déversoirs permettaient une évacuation des excès d’eau en cas de crue brutale ou du colmatage de la grille de protection de la roue à aube. L’ouverture des vannages était en effet autrefois réglementée de manière à éviter les coups de butoirs risquant d’endommager les moulins suivant ou d’inonder une parcelle. Et selon tous les témoignages que j’ai pu trouver, quand l’eau montait, elle montait toujours lentement (3 à 8 jours), laissant aux gens le temps de prendre leurs dispositions et en épargnant généralement les habitations anciennes, fermes et moulins construits en limites de lit majeur ou surélevés ou sur des promontoires naturels ou artificiels. Sur les premiers plans de Blendecques, Outre l’église et l’abbaye, il me semble me souvenir qu’il n’y avait que les moulins dans le lit majeur.. Les " longues planches " existaient déjà. Aujourd’hui il y a des milliers de maisons qui barrent la vallée, et un fort taux d’imperméabilisation.

D’autre part, toute la vallée dans ses parties les plus basses était couverte de prairies, inondables ou de prés de fauches, qui produisaient un excellent foin de grande valeur aux époques ou les chevaux étaient à la fois tracteurs et véhicules.. Et de vastes zones humides existaient jusqu’aux sommets des plateaux en raison d’une configuration géologique rare de nappes perchées sur argile à silex dite " dilluvium d’Helfaut "

Avant l’explosion de l’activité industrielle papetière, L’Aa était limpide et très oxygénée plus de 11 mois par an, et probablement turbide (boueuse), quelques jours par an.

Il y a encore dans le moulin que j’habite le tuyau qui permettait de pomper l’eau de la rivière qui servait d’eau potable.. Et dans le marais on faisait la soupe et le café avec l’eau des wateringues il n’y a pas si longtemps.

Des années 60 à 90 l’eau a charrié des milliers de tonnes d’effluents industriels et urbains aujourd’hui assez bien épurés. La population a été décuplée et les surfaces imperméabilisées ont augmenté en proportion, alors que les zones d’infiltration, de stockage ou d’expansion de crue se réduisaient comme peau de chagrin.

Avec le changement de pratiques agricoles et le recul des prairies, depuis 10 ans surtout, l’Aa comme la canche, et comme l’Authie est opaque à franchement terreuse 10 à 11 mois par an.

Selon l’association TOS, la première association de pêcheurs créée en France en 1901, c’était la rivière de France la plus riche en truites de mer (probablement grâces au nombreux moulins qui jetaient directement à la rivière les déchets de meunerie riches en vers de farine), même si elle avait au début du 19° siècle déjà perdu ses saumons. Malgré le SAGE, malgré les stations d’épuration, après une remontée en qualité au début des années 90, et malgré les ré empoissonnements la qualité de la rivière reste médiocre ou s’est très dégradée à partir de Wizernes/Blendecques depuis 5 ou 6 ans.

Il y avait au 16°/17° siècle (de mémoire) une dizaine de moulins à Blendecques, ce qui doit faire de cette commune une des plus riches en moulins de France et la première zone industrielle de France. Le château du moyen âge a totalement disparu, les moulins sont tous restés.. Ces moulins sont un peu les ancêtres des 4 papeteries (autrefois " moulins à papiers ") installées depuis dans la vallée.

Bref, de Lumbres à Arques et plus encore dans le marais audomarois, l’eau, et les inondations, normalement on connaît. Autrefois on les apprivoisait et on leur laissait un peu de place. Maintenant on veut " lutter " contre avec des contrats de plan, des SAGEs, et des décrets de sinistres catastrophes naturelles.. Et elles sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus graves, les catastrophes.. En tous cas c’est l’impression que j’ai.

Par " excès " de prudence (prudence inutile selon un de mes voisins aujourd’hui âgé mais qui tout petit jouait dans le moulin dont il a ensuite entretenu le vannage... et qui se moquait gentiment de moi en m’assurant que je me fatiguais pour rien, et que l’eau ne monterait certainement jamais jusque là.. Mais bon, je suis comme ça : excessif. Excessivement prudent lorsqu’il s’agit de la Nature, et de l’eau), j’ai donc installé les appareils électriques et prises de courant en hauteur en rehaussant le plancher de 40 à 60 cm selon les pièces. Fils électriques et tuyauteries arrivent par le haut, et les toilettes ont été exportées à l’étage.. Les prises sont toutes à 1, voire 2 m au dessus du niveau du sol.

Ca m’a coûté plus cher, mais les tuyaux sont souples et peuvent geler.. au cas où.. Je pensais qu’avec les modifications climatiques attendues, cette précaution pouvait être utile pour mes enfants ou petits enfants. En réalité, mes précautions sont déjà presque insuffisantes.

Et effectivement, bien qu’entre 2 bras de rivière et au centre de la vallée, j’ai eu la chance de n’avoir eu que quelques cm d’eau que durant quelques heures, là où la plupart des habitants de la commune eu à pomper et évacuer durant plusieurs jours et nuit des quantités bien plus importantes et " anormales ". A part quelques outils électriques, sacs de plâtres et ciment, stock de bois que je n’aurais pas du poser au sol, pas de gros dégâts .

S’il est confirmé d’ici quelques jours qu’il n’y a pas eu de mort, ce me semble presque être un miracle et autant le résultat d’une solidarité spontanée que d’une réaction assez prompte des administrations. Je ne sais pas qui a décidé l’évacuation, mais merci de l’avoir fait.

Les responsables semblent le lendemain avoir cependant été dépassée par les évènements (impossible samedi midi de trouver la cellule de crise, même pour les représentants du secours catholiques), alors que diverses rumeurs circulaient sur des digues qui avaient cédé, en amont pour certains, en aval pour d’autre, des problèmes de pompes, d’écluse ou de risque de remontée des eaux, et alors que des gens n’étaient pas encore retrouvés.

Heureusement certains employés communaux, leurs familles, de nombreux habitants, des agriculteurs ou propriétaires d’engins utiles, la croix rouge, la sécurité civile, les pompiers, les associations se sont réellement dévoués, admirablement, sans s’occuper de leurs propres biens et enfants pour certains. J’ai remarqué que dans la stupeur générale personne ou presque ne les remerciaient. Ils ne le seront jamais assez. Merci à eux donc.

Je sais que le nombre de barrages sur la rivière a très fortement diminué depuis 100 ans, certains détruits autoritairement contre l’avis des riverains dans les années 70 ou 80 " pour limiter les risques d’inondations " m’a dit un responsable DDE il y a 10 ans (au risque d’aggraver les sécheresses, et d’inonder encore plus et plus vite en aval ?). Je sais que les berges sont bien plus artificialisées qu’elles ne l’ont jamais été… et que grâce aux entretiens récents par une équipe compétente de cantonniers de rivière, on a énormément réduit le risque de voir des gros embâcles (poutres, troncs d’arbres) bloquer le passage de l’eau sous les ponts.. Le SAGE et le parc naturels auront au moins servi à ça.

Mais je crois savoir surtout que le débit maximum de crue de l’Aa a été porté de 30 m3/s à 60 m3/s (si je me souviens bien). Dois-je en déduire que sans ce soutien artificiel, la rivière aurait pu ou pourrait un jour monter de 4 ou 6 m ? (Comme après 6 mois de saisons des pluies tropicale). Que se passerait il si les pompes et/ou écluses dysfonctionnaient gravement un jour de grande marée ? Combien de personnes dans l’eau glacée ? (Il gelait hier matin).

Théoriquement j’avais pris pour ma maison bien plus de précaution que le nécessaire. J’y reviens parce que je crois que ça explique l’état de choc dont je peine à sortir, alors que je suis en fait très peu à plaindre par rapport à la plupart des Blendecquois. Il est important que je comprenne ce qu je ressens car c’est peut être ce que ressentiront des millions de gens qui auront l’impression d’avoir été au-delà de ce que demandait la loi, d’avoir pris le maximum de précaution, utilisé les produits les plus écologiques, et qui seront quand même touché par le réchauffement climatique.. Ca révolte. Ce serait bien qu’on s’y prépare (SRADDT / Prospective ?)

Ce moulin a, je pense, été construit au 12 ° siècle, et sur un îlot, peut être à l’endroit d’un dénivelé naturel ou d’un ancien barrage ou d’une hutte de castor, au milieu d’une large zone humide et d’une vallée inondable, qui à l’époque de Charlemagne était proche de l’estuaire de l’Aa. A cette époque la mer était plus avancée et St Omer était un port, peut être en partie à cause de changements climatiques par modification de l’effet de serre, initiés par les civilisations mésopotamiennes, grecques et romaines, avant Jules César déjà, et par ses successeurs qui ont consciencieusement défrichés et brûlés presque toutes les forêts antiques de l’Europe à la chine en passant par la Mésopotamie (Cf. colloque CNRS "Quelle nature voulons nous ? Quelle nature aurons nous ? Lille 2001)

La petite île sur laquelle est construite ce moulin a été (au 12° siècle probablement) sérieusement rehaussé, avec des travaux importants dont nous avons trouvé les traces en creusant le sol de la salle à manger pour installer (avec dérogation de la DRASS) une fosse septique et un filtre surdimensionnés, car nous ne pouvons que très difficilement et dangereusement être raccordés à une station d’épuration.

Voilà à quoi je pensais ce matin sur la route en rejoignant Blendecques, sous le soleil froid de fin d’hiver. En roulant j’ai noté que les drains agricoles posés sur une zone en faible pente et pas du tout en vallée (un petit sommet même) crachaient de l’eau, mais comme souvent en cette saison. Un peu plus loin, j’ai vu d’énormes rouleaux de drains de plastique jaunes stockés en attente d’être posé contre une ferme moderne, où l’agriculteur a déjà du construire un bassin spécial pour stocker l’eau qui lui permettra d’irriguer ses champs trop secs cet été, au bord d’une rivière trop rectifiée pour être vraiment naturelle. Deux villages plus loin une draineuse attendait la reprise du travail lundi. Je me suis arrêté pour la prendre en photo.

Mes amis m’avaient hier soir parlé d’inondation-records, de centaines, de milliers d’hectares inondés, mais aux ¾ de la route, je ne voyais toujours pas de trace d’inondation. Je me rassurais en me disant qu’ils avaient peut être exagéré.

Sauf au droit de la vallée de la Lys légèrement inondée sous l’autoroute (mais pas excessivement eu égard aux pluies tombées ces derniers mois), je n’ai vu que quelques flaques dans les champs, et plutôt beaucoup moins que lors de toutes les inondations précédentes. A Ebblinghem d’où la vue porte jusqu’à St Omer et au plateau d’Helfaut, toujours pas de trace de nappe d’eau miroitant sous le soleil. Pas d’eau dans les fossés qui débordent habituellement. Bizarre.

A Renescure, inondé plusieurs fois ces dernières années, où je suis régulièrement appelé par certains agriculteurs ou riverains pour faire des constats et photos, toujours rien. A Wardrecques un peu d’eau, mais pas plus de 10 cm et sur de petites surfaces.

Sur la rocade d’Arques, au droit de la cristallerie toujours rien, mais je note que 80 % des champs en assez forte pente sont labourés ou travaillés dans le sens de la pente, vers le canal ou le bassin de l’Aa. Je fais un petit tour sur le haut du bassin versant côté Heuringhem et landes de Blendecques: pas de problèmes particuliers. Même pas de flaques dans les champs, ni d’eau dans les fossés.

Toujours rien dans les fossés. Je longe le bassin d’expansion de crue de la rocade. Il est plein à 50 à 70 % environ.. Le niveau est plus haut que d’habitude, mais rien de particulièrement inquiétant, sous un soleil et un superbe ciel bleu rassurant mais froid : il y a du verglas sur le quel je glisse un peu.

Presque rassuré, je quitte la rocade pour la bretelle qui m’amène à Blendecques, et c’est au stop en haut, que je me rend brutalement compte que toute la vallée est inondée entre Blendecques et Arques, y compris sur les dépendances routières, dont l’endroit où abouti si je me souviens bien un drain posé par la DDE lors de la construction de la rocade, pour évacuer les eaux ayant percolé sur un talus riche en déchets toxiques entreposés là autrefois, et toujours là.

Je m’arrête sur un pont 200 m plus loin : la rivière est plus haute que je ne l’ai jamais vue. En ouvrant la portière je suis surpris par le bruit de torrent qui couvre celui des voitures. Je traverse la route et vais vers le moulin Snick que je vais voir à chaque inondation, car c’est un point stratégique. Si le vannage y cédait, Arques recevrait une vague destructrice et s’il se colmatait, c’est Blendecques qui verrait le niveau d’eau monter dangereusement, notamment pour le lotissement voisin (protégé par une digue mais construit en zone à risque), avec des effets jusqu’à Wizernes probablement.

Il y a quelques années deux des vannes bloquées ne pouvaient plus être relevées, et sous la pression des habitants de Blendecques qui craignaient pour leur maison, un petit groupe de gens voulait faire sauter ce barrage. Il a fallu que j’aille chercher une scie à bûches pour éviter que les pompiers ne détruisent le barrage à la hache. Les vannes ont été coupées, mais l’eau avait à peine baissé.

Par miracle ou par la qualité du travail des charpentiers, le barrage bien qu’ancien et très abîmé tient toujours. Et il n’y a pratiquement pas d’obstacle à l’écoulement de l’eau. Mais en aval du barrage, une partie de la berge côté route (un mur de brique et/ou de pierre selon mon souvenir) a été emporté par les flots ainsi qu’un morceau du terrain.. Je veux prendre une photo, mais je ne peux m’approcher assez près en raison de vagues qu balayent le sol, là ou je marchais à pied sec bien au dessus de l’eau lors des inondations-records précédentes. L’eau est sale et je crains de mettre le pied dans un trou creusé par l’eau. . La roue du moulin que j’ai contribué à restaurer est encore en place, bloquée. Un monsieur me rejoint également avec un appareil photo, c’est le nouveau propriétaire du moulin Snick, qui est effaré. Et qui m’explique si j’ai bien compris que hier le niveau est monté bien plus haut, et que la rivière a balayé un barrage que quelqu’un a tenté de faire pour que l’eau ne passe pas sur la route ni n’inonde le champ voisin (qui est une ancienne prairie inondable, dans le lit mineur !).

Une voiture s’arrête, c’est un journaliste de la voix du nord. Je rentre dans sa voiture à sa demande pour pouvoir parler sans crier et lui explique que nous n’avons jamais vu ça, qu’il peut remarquer que les champs sont travaillés dans le sens de la pente, et que je trouve curieux que l’inondation ait été si brutale alors que sur les hauteurs les niveaux d’eau ne sont pas du tout anormalement hauts. Il est pressé et doit partir, mais prend mon n° de tel.

Je gare la voiture aux pieds de l’église. Il n’y a plus d’eau, mais je suis surpris de voir des sacs de sable ou de terre, des planches et parpaings aux portes des maisons, y compris les plus hautes à un niveau auquel je ne pensais pas que l’eau puisse monter. Paradoxalement les trous des travaux de soutènement de l’église (qui s’effondre en raisons des sècheresses de 1976 et de 1989  !) sont non seulement hors d’eau mais secs. (vérifier : y a-t-il une pompe qui dénoie le chantier.. sinon, c’est que l’inondation n’est pas due au moins à Blendecques à une remontée de la nappe phréatique.)

La route menant à la mairie est toujours barrée. Mais ma rue, perpendiculaire à celle-ci, est encore trempée ; et curieusement propre comme si tout avait été passé au karcher.

Des ambulances, voitures et camions de pompiers croisent des voitures de polices, d’Edf, des camions, tracteurs, et des gens occupés pour les uns, qui portent des sacs de provisions, d’habits, hagards, ou les yeux vides ou pleins de larmes pour d’autres. Presque tout le monde est en botte, certains en cuissardes.. J’ai la gorge qui se serre.

Je sors mes affaires de la voiture, sacs en plastiques, un paquet de biscuit, une banane et une plaque de chocolat, et des chaussures solides s’il me faut travailler dans l’eau, car mes cuissardes sont au moulin et j’ai prêté à je ne sais plus qui mes bottes de sécurité. Appareil photo bien protégé, je m’avance vers la rue qui mène à la maison. Je m’attendais à trouver de la boue, mais à plus de 100 m de la rivière, ce sont des cailloux que je trouve sur le trottoir ou le macadam, avec au milieu de la route une couche de cailloux ou silex de taille parfois assez grosse mais parfaitement propre. Je comprend que le courant a du être violent. En fait il s’agit probablement des cailloux des jardins environnants, dont aucun ne donne directement sur la rue, plutôt que du fond de rivière, enfin je suppose.. Mes portes en bois sont mouillées jusqu’à 30 cm environ, soit près d’un m plus haut si ce n’est plus que le niveau actuel de la rivière qui est déjà plus haut que les records de crues historiques gravés sur les murs ou marqués par des plaque de fonte commémorative. Contre la porte du garage qui semble avoir été nettoyée et presque décapée : un tronc d’arbre à demi pourri d’environ 3 m de long. Dans mon petit jardin protégé de la route par un muret, un tourbillon a emporté la terre située entre la route et la porte du côté sans toucher au reste du jardinet qui correspond au sol de l’ancienne écurie du moulin. L’eau s’est fait un chemin sous la porte – direct à la rivière sous le seuil, en abîmant les fondations (qui portent le mur du pignon) et en emportant les matériaux que j’avais déposé là cet été, dont une protection des poutres supportent le plancher situé derrière la porte.

Avant d’atteindre le moulin, je passe devant l’extrémité de l’ancien abreuvoir du moulin, remblayé par la DDE, la commune et un de mes anciens voisins et je ne sais qui, il y a plus de 15 ans, bien avant que nous n’arrivions. La crue a laissé un énorme trou plein d’eau là où il y avait un trottoir en béton de 10 ou 15 cm coulé d’une seule pièce sur une solide grave. 3 gros fils électriques dont 2 dénudés sortent d’un tuyau en plastique qui sort du trou..

Les morceaux de bétons ont été emportés par une lame d’eau venant de la place et des jardins vers la rivière ou sont au fond du trou.. Je ne les retrouve même pas. Ca ressemble à une flaque, mais avec un bâton je me rend compte que ça fait plus d’un mètre de profondeur..

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Des gens me disent qu’au moment de l’évacuation on ne pouvait déjà plus marcher sur la route sans que les gens ne se tiennent à la rambarde du mont, au mur et les uns les autres. Ce que je n’ai aucune peine à croire. Une voisine me fait remarquer que si quelqu’un était tombé ou avait mis le pied dans ce trou invisible sous l’eau, il était immédiatement emporté vers la rivière. Il faudra penser à mettre une barrière.

Je me souviens qu’il y avait là autrefois une ancienne pharmacie et les anciens parlent de souterrains (anciens bras de l’Aa ? Le trottoir aurait il été emporté par de l’eau surgissant de cet ancien souterrain ? D’après mon voisin, il serait plusieurs mètres vers le moulin.. )

Un autre trottoir en béton épais et solide coulé sur place un peu plus loin a littéralement explosé comme si une grenade avait sauté dessous en laissant les morceaux au pied du mur de mes voisins ; des morceaux de 50 à 80 kg dont l’un est resté planté vertical. Entre ce trottoir et la rivière, c’est –c’était - mon jardin, en réalité, une friche de bord de rivière où je laissait la biodiversité lentement recoloniser le terrain, sauf sur la berge consolidée par des plantations, de saules notamment... Il n’y a plus un millimètre de terre.. Nous avions fait là un pré-inventaire botanique avec deux jeunes paysagistes de Lille, il y a environ un mois. Sauf contre les murs et paradoxalement sous l’eau, les plantes ont disparues.. Arrachées dans le sens ville -> rivière et non emportées par de l’eau sortant de la rivière

Il n’y a plus que des cailloux lavés, et remués qui n’ont pas eu le temps de se tasser et dans les quels les pieds s’enfoncent.. Et par endroit, les tourbillons ont mis à jour de gros mâchefers et déchets vitrifiés qui ressemblent dangereusement à des déchets industriels qui pourraient bien être toxiques si j’en crois mon expérience..

Sauf un saule planté sur la berge et quelques plantules à racines longues encore accrochées par un morceau de racine au substrat, dont une carotte sauvage, blanche, parfaitement nettoyée.., et quelques saules plantés cet automne avec ma fille le long du mur, il ne reste rien.

Je suis stupéfait (" état de stupeur ") parce qu’en venant je me suis régulièrement arrêté pour observer les fossés, et sauf dans le lit majeur de l’Aa, nulle part je n’ai vu d’accumulation de brindilles, de terre, de cailloux ou d’herbes couchées par le courant, qui sont le signe habituel des inondations violentes, par brusques arrivée d’eau du bassin versant.

A quelques mètres de la limite du lit majeur à Blendecques ce matin là, il n’y avait même pas d’eau dans les fossés et pas la moindre trace qu’il y ait eu de l’eau courante ou ruisselante les jours précédents.

Le puisard du compteur d’eau se videra très vite, et déjà le sol du jardinet à l’air presque sec, ce qui me laisse penser à nouveau qu’il ne s’agit pas uniquement d’une montée exceptionnelle de nappe phréatique, en tous cas localement. Le sol éponge rapidement l’eau.

Craignant de toucher à la grande porte du hangar qui semble avoir été fortement secouée (rivets sautés, gonds démis et rail à demi descellé) par une lame d’eau venue de je ne sais où (rivière ? route ?), je passe par la petite porte du côté. Je dois donner des coups de pieds dans la porte qui a gonflé pour l’ouvrir et parce que le planché a gonflé et/ou s’est déformé. Le plancher est construit en encorbellement au dessus de la rivière. Il est trempé et plie sous mon poids. Craignant qu’il ne s’effondre (je suis juste au dessus de la rivière qui fait un bruit d’enfer), je passe en me tenant aux bûches dont je sais qu’elles sont posées sur du dur (la bordure du pont qui supporte la rue qui passe devant le moulin). Tout est mouillé jusqu’à 1 m plus haut au moins que le niveau de 1987 qui n’avait pas atteint le garage (l’eau s’était arrêté au niveau qu’elle avait dimanche vers 11 h lors de la décrue).

Sur le moment je crois que la rivière est monté jusqu’ici, mais aux traces, et à la direction prise par les objets emportés, je comprend que c’est (dans cette pièce) de l’eau venue de la rue qui est passée sous les portes, probablement par ce que les arches du pont ne suffisaient plus à laisser passer trop d’eau.

L’eau ici à été plutôt plus propre que ce que j’attendais. Elle n’a laissé qu’une fine couche de boue limoneuse, et uniquement dans les parties les plus basses où elle a eu le temps de décanter. Elle a détrempé les centaines de planches, poutres et pièces de bois anciens que je stocke patiemment depuis 10 ans pour restaurer les planchers de bois, ainsi que quelques portes dont une immense porte en chêne que je tente de poser sur des briques, mais elle est trop lourde pour que je le fasse seul.

Si ça sèche vite, elles ne seront pas champignonnées, mais elles seront sans doute tachées à cœur. Le bois de chauffage et les rouleaux de laines de roche sécheront, mais les sacs de plâtre et de ciment sont foutus. Dans le garage, l’eau n’a pas du rester longtemps parce que certains objets sont déjà presque secs. Une partie du courrier est encore récupérable, dont une plaquette sur les zones humides palustres envoyée par l’agence de l’eau et une publicité pour une assurance qui dit " savez vous de quoi votre avenir sera fait ? ". J’expose et fait sécher au soleil ces deux documents sur le muret devant le moulin.. Mais des gens me les pendront. Le seul document intact est ma feuille d’impôts parfaitement emballée sous plastique qui flotte dans la boue. J’ai aussi trouvé une feuille du rectorat qui annonce à Myriam une indemnité de quelques euros. Je l’expose au soleil. Pour le reste je n’ai même pas fait sécher.. Par moment la rivière fait un bruit d’explosion contre les fondations ou sous le moulin et je me demande dans quel état je vais retrouver les murs que j’ai solidement réparées mais uniquement du côté qui était très abîmé, suite à un signalement de la DDE lors d’une inspection du pont. (deux palettes environ de briques, des pierres de meules, et une trentaine de sacs de ciment et deux mois de travail dans l’eau. Sans cela je crois que le moulin serait aujourd’hui effondré parce que ce mur était miné jusqu’à plus d’un mètre de profondeur et presque toutes les briques descellées, les joints de chaux et de terre rongées par le gel qui autrefois ne touchait pas cet appareillage toujours normalement immergé.

Dans les pièces suivantes, les dégâts sont uniquement matériels. L’eau a du y monter très doucement, car les objets ont peu bougés. Seuls quelques outils électriques baignent dans l’eau. Je les lave et fait sécher pour ceux qui sont boueux, Je prend quelques photos et sauve l’essentiel, mais sans électricité on ne voit pas grand-chose dans cette partie sombre du bâtiment.

J’ouvre toutes les fenêtres, dont celles du grenier pour faire tirant d’air et courants d’air. Il fait très froid, mais le soleil va aider à sécher et fait du bien. Je rigole, parce qu’un des seuls trucs sec est la serpillière qui était pendue sur le manche du balais. Par chance nous avons monté l’an dernier tout un tas de livres, tissus et objets plus ou moins sensibles à l’eau qui sont resté là par terre 10 ans au moins.

Je suis content d’avoir surélevé la machine à laver, la gazinière, le frigo.. la collection de timbre si précieuse aux yeux de ma fille est sauvée, ainsi que ses jouets grâce au fait que la chambre du fond est légèrement et suffisamment surélevée par les isolants sous le contreplaqué et le carrelage.

Comme je suis sans forces devant l’ampleur de la tache de nettoyage et je n’ai plus d’eau ni électricité, j’enfile mes cuissardes et décide d’aller voir si je peux aider ailleurs.

En réalité dans les zones les plus touchées l’eau est encore trop haute pour que les gens puissent rentrer dans leurs maisons, certains équipés de Waders sèchent leurs objets sur les toits, d’autres entrent au moyen d’une échelle par la fenêtre du premier étage, certains en tracteur ou engins industriels se font transporter pour aller sauver le contenu du congélateur, ou leurs papiers, ou d’autres objets essentiels. On se demande encore si tout le monde a été bien évacué. Certains manquent à l’appel. Dans les quartiers moins touchés la solidarité s’est rapidement organisée.

Je suis surpris par l’absence d’embarcation. Je n’en vois aucune, alors qu’à la Télé on voit toujours des gens en barque. Un garçon d’une quinzaine d’années va dans sa maison chercher son matelas pneumatique (au cas où ?). Comme j’ai des Waders (cuissardes montant jusqu’à la poitrine) je propose mes services ici et là. Je débouche des bouches d’égout, tâte la route pour savoir où sont les trous. Je vais voir aussi la station d’épuration de la papeterie la plus proche, dont l’émissaire est au moins à 1m sous l’eau voire plus. De nombreux lotissements sont sous l’eau. Des gens réussissent à faire redémarrer leur voiture noyée. Le moteur fait une épaisse fumée âcre qui empestant l’atmosphère limpide de ce matin de fin d’hiver.

Quelqu’un qui a l’air important mais qui est tout seul parle au micro d’un journaliste qui tient aussi une caméra en disant que tout va bien, qu’on prend ça avec le sourire et que tout le monde a le moral. Comme pour s’en convaincre, il répète trois fois qu’on a tous le moral, mais derrière mois une dame tremble de tout son corps et arrive à peine à contenir ses sanglots. Je crois comprendre que son frère est mort il y a peu de temps, que tout son argent et celui de son mari est passé à acheter cette petite maison qu’elle me montre, qu’ils ont tout perdu, et qu’elle a failli être écrasée lors de l’évacuation par son congélateur qui tournoyait dans la pièce en l’empêchant de passer des marches de l’escalier où elle était réfugiée à la porte de sortie. Son mari doit partir chercher un bateau. Moi-même habituellement bien organisé plutôt organisateur dans ce genre de situation, je n’ai pas tellement le moral. Pour la première fois, je ne trouve même pas quelque chose d’esthétique ou d’humoristique dans le tableau. Je me sens simplement révolté.

Mon voisin, âgé, a un bateau plat en plastique qui a été emporté par le courant et qu’on voit au fond de son jardin, dressé contre un grillage qui l’a retenu. Mais toute sa famille est si occupée à dénoyer sa cave et sa maison qu’il n’a pas pensé à proposer son embarcation à d’autres. Et personne ne semble d’ailleurs songer à le lui demander. Il fume des cigarettes qui me paraissent anormalement longue, les yeux dans le vide. Je pense que c’est mauvais pour sa santé, mais vu les circonstances, je m’abstient de commentaire et me demande si demain matin je n’aurais pas les cheveux aussi blancs que les siens.

Un jeune homme en costume cravate trop parfaitement impeccable semblant droit sorti du ministère du budget ou au moins d’un cabinet de préfet, entre et sort de sa voiture. Il semble avoir envie de parler, mais ne sait engager la conversation. Et il n’a pas de bottes, ce qui le maintien hors du malheur, sur la rive de l’inondation.

Un assureur (de St Omer ?) qui habite Blendecques, bien habillé lui aussi, mais avec des bottes, circule avec un ciré jaune et une serviette, cherchant des gens assurés par sa compagnie. Ceux là au moins n’auront j’espère pas trop de mal à le convaincre qu’ils méritent vraiment d’être aidés. Des gens ne sont probablement pas assurés. Beaucoup de Blendecquois se sont usés pour offrir leur force de travail à d’autres mais ne sont vraiment pas riches.

Avec de l’eau jusqu’aux mollets, parfois à mi cuisse voir plus, je propose mes services ou je prend des photos, notamment des lotissements que nous avions dénoncés comme en zone inondable avant leur construction. Je rencontre Richard et Martine qui proposent aussi leur aide et soutien là où ils peuvent. A midi, avec Richard je mange un peu de hachis Parmentier au point-secours, avec la croix rouge, les pompiers, quelques enfants et des personnes seules, souvent très âgées. C’est réconfortant.

Des enfants jouent sur les marches et dans les escaliers ou dans le jardin. Ces enfants jouent comme si tout était normal, incroyablement normal.

Ici et là on cherche un chien ou un parent dont on a entendu dire qu’ils seraient peut être ici. D’autres cherches la cellule de crise. Toute la matinée j’ai consolé ou écouté des gens. Et quand je voyais que ça n’allait vraiment pas je leur disais que le secours catholique ou la croix rouge pouvait les aider et qu’il ne fallait pas hésiter à aller voir les psychologues dont j’avais entendu dire qu’ils étaient au centre d’accueil..

Ce sont les enfants et adolescents qui semblent le mieux réagir, en prenant des risques parfois. J’ai croisé un gamin de 15 ou 16 ans, presque entièrement trempé, l’air très content de lui. Un autre qui avait scotché un pantalon de ciré à ses bottes, mais pas de manière suffisamment étanche pour que l’eau n’y entre pas. A 17 h il était toujours dans l’eau – glacée. Plus loin, un responsable du secours catholique ne s’est aperçu qu’en fin d’après midi que son fils qui l’accompagnait partout avait les pieds trempés dans ses bottes bien trop courtes pour la circonstance.

Les eaux ont baissé de 40 centimètres dans la nuit de vendredi à samedi me dit-on. C’est vrai.

Toute la journée, des gens des environs sont venu voir, bavards pour les uns, discrets ou embarrassés pour d’autres, ne sachant ou n’osant proposer leurs services.

Partout des pompes évacuaient l’eau des caves et des maisons. Tout le monde profitait du soleil pour aérer, sécher, racler.

En fin d’après midi c’est moi qui avait besoin d’un psychologue. Je m’en voulais presque d’avoir aussi peu de dégâts alors que d’autres étaient vraiment dans la merde (au sens propre et figuré ; figurez vous), jusqu’au cou, avec de l’eau jusqu’à mi maison, les jardins encombré de tas de saletés apportés par l’eau.

J’ai vu des bidons d’huiles, un bidon de white spririt, des bidons de pesticides de jardin, et des tas de saletés de ce genre passer. J’en ai ramassé un peu, puis j’ai arrêté. Près de la papeterie ou aux longues planches (où un pan entier de mur de brique de 3 m environ de haut sur 3 de large s’est effondré encore une fois pas dans le sens rivière vers berge, mais comme si un mur d’eau était venu de la route et du jardin proches.), l’eau sentait fortement le fuel et en était toute moirée. Une pompe a craché toute la journée de l’eau mélangée avec du fuel dans un puisard qui amène l’eau dans la rivière aux longues planches.

Les longues planches étaient encore sous l’eau samedi vers 17h 30, et je n’ose pas imaginer ce que c’était au maximum de la crue. Vers 21 h l’eau avait beaucoup baissé. Etonnant et heureux que les ponts aient si bien tenus et que les barrages soient restés si " propres ".

J’ai croisé samedi matin un groupe d’élus locaux avec le député et ancien maire d’Arques, aussi abasourdis que nous je pense. J’ai suggéré qu’ils demandent qu’on prenne régulièrement des photos aériennes d’autant que le temps est beau, pour l’atlas des zones inondables et pour le SAGE pour aider à ce que ça n’arrive plus. J’ai signalé aussi que le haut des bassins versant était étrangement sec. Je n’ai pas osé rappeler le projet d’un grand bassin écrêteur de crue dont nous avions parlé ensemble il y a déjà bien longtemps ( 6 ans ? 10 ans, je ne me souviens plus bien) mais qui n’a jamais été construit.

J’ai croisé le président du SERA de Wizernes qui comme moi prend des photos avec je pense les même raisons. Nous échangeons quelques mots, ne trouvant rien à dire de plus. Je lui demanderai ses photos et lui proposerai les miennes, faute de mieux pour le moment.

J’ai vu ensuite des tas de gens - comme dans un film - des cameramen, des journalistes avec des magnétophones ou de petits carnets, des curieux, des habitants, des enfants qui erraient et regardaient, l’air d’avoir du mal à ne pas y croire. Des tas de visages connus et inconnus, mais aucun souriant.

Tout le monde se parle. Assez calmement…les ados révoltés ou assommés, comme les petits vieux qui racontent les inondation mémorable de 1958 ou de 1987, qui avaient été graves, mais jamais comme ça.. Des groupes d’inconnus ou d’amis se font et se défont, on vient s’accouder sur les rambardes pour mesurer la décrue.. Une dame que je ne connais pas ouvre son sac et m’offre des caramels.

Parfois on s’énerve et on accuse la mairie, les élus qui veulent encore faire me dit-on un nouveau lotissement là où les vieux se souviennent avoir vu l’eau, alors que certains experts garantissent dit-on qu’il n’y a pas de risques. On évoque une friche requalifiée par l’EPF sur un ancien moulin où on aurait pu recréer une zone humide à vocation d’expansion des crues. On parle surtout beaucoup météo.

Certains, jeunes ou moins jeunes qui ont une maison presque neuve dans un des lotissements récents reconnaissent qu’on leur avait dit qu’il y avait un petit risque d’avoir un peu d’eau dans l’herbe en cas de forte inondation. Si on leur avait dit que ça monterait jusqu’aux fenêtres, et dans leur chambre à coucher, ils ne se seraient pas endettés pour 15 ou 20 ans pour acheter. Dans ce lotissement, comme dans les autres de la vallée, c’est vrai, des personnes âgées handicapées ou des enfants seuls auraient pu mourir sans qu’on le sache. Heureusement, entre voisins, même quand on était brouillé, on s’est souvent aidé.

Un gars de la croix rouge me dit qu’il était à Vaison la Romaine et que là bas les gens ne s’aidaient vraiment pas du tout comme ici où les thermos de cafés circulaient déjà avant l’arrivée des " sauveteurs ". . Il me demande aussi si je peux lui envoyer les photos que j’ai prise.. (J’ai oublié de le faire et ai perdu son adresse).

Effectivement la croix rouge était très présente. Mille mercis. Même si on donnait l’impression qu’on n’avait pas tellement besoin d’elle samedi, la présence des secours et de gens à qui parler est très réconfortante.

L’urgent est fait.. On commence à laver, nettoyer, sécher, réparer. On a prévenu ou on va prévenir les assureurs, sur les conseils d’un agent de la marie qui sillonne inlassablement la commune.

Je pense que c’est dans les jours qui viennent que les gens auront besoin d’être aidés, y compris psychologiquement. D’autant qu’incroyablement, ce soir tout est sec, la rivière est sagement rentrée dans son lit, sous un ciel presque printanier. Tout est calme dans l’air humide et froid, sauf les esprits peut être.. On est épuisé mais aussi révolté.. Et il en faut beaucoup pour révolter quelqu’un du Pas-de-calais..

On repasse le film dans sa tête, et on a l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche.

Il n’y avait pas de sirènes ou haut parleurs sur véhicules, l’évacuation s’est faite en sonnant aux portes. Et quand il n’y a plus de courant ? et quand les gens sont sourds ; ou handicapés mentaux ou physiques.

Une personne âgée a été retrouvée le lendemain, réfugié en hauteur chez elle. On m’a dit que les infirmières qui ont pris sa température ont mesuré 35 ° C. Certains ont été transportés à l’hôpital, d’autres ne voulaient pas partir et il a fallu les forcer.

Beaucoup racontent qu’ils sont parti aider des amis dans le bas, et ont trouvé en revenant leur propre maison inondée, avant d’être évacués.

 

3 h 38 du matin, je n’ai pas vu le temps passer. Je vais essayer de dormir un peu.

 

Je repense à des journalistes et un caméraman à qui j’ai parlé et qui ont refusé de filmer les fossés et zones humides curieusement secs ou non saturées pour les zones humides pourtant si proches.

Je ne serais pas complet et mal compris si j’omettais de dire que sur de nombreux arbres émergeant de l’eau, des panneaux sont cloués, avec écrit dessus : Danger Poison. Une de ces banales, magistrales et peu efficaces campagnes d’empoisonnement a été mise en place avant l’inondation. L’eau a dispersé une grande quantité d’appâts empoisonnés… emportés par le courant, avec les cadavres dont-ils sont à l’origine. Il y a tant d’eau que l’on pourrait croire que les toxiques emportés sont si dilués qu’ils n’auront pas d’impact, mais je sais qu’il n’en est rien. Comme les pesticides lessivés dans les champs ou les hydrocarbures emportés dans les villes, ils auront un impact.

J’ai comme un peu honte à parler des dégâts environnementaux devant les aspects humains de ce drame, mais je pense au fond de moi que s’ils sont discrets, ils sont néanmoins bien plus importants qu’on l’imagine.

 

Un des 3 principaux bras de la rivière, le plus proche de la grand place a été tubé il y a quelques années. Il est resté bouché durant je pense plusieurs heures. Peut-être serait il sage de restaurer le cours normal de la rivière.

Mr le Préfet, merci de demander au plus vite un arrêté de catastrophe (naturelle ?).

Cette situation se reproduira ici et ailleurs, et de plus en plus souvent, et elle n’est peut-être rien moins que naturelle. Avec les bouleversements climatiques attendus, si les scientifiques du GIEC ne se trompent pas, ce sera probablement bien pire.

Moi, si quelqu’un me prête l’aide d’un engin de chantier, j’accepte bien volontiers que mon jardin soit creusé et transformé en ce qu’il était depuis 800 ans : une zone humide et inondable. Si chacun le fait là ou on peut le faire sur tout le bassin versant, et dès le haut du bassin versant. Non seulement il n’y aura moins d’inondations de ce type et de cette gravité, mais il y aura moins de risques de sécheresse..

La sécheresse, j’y pense, car un vieil agriculteur de Renescure, ami des zones humides qu’il défend presque seul contre tous, vient, vers 20h 30, de me téléphoner pour me réconforter et me demander comment ça allait, et il me dit que chez lui, à quelques km de notre inondation record, et dans le même bassin, il n’y aurait plutôt pas assez d’eau. Il ajoute que ses prés qui doivent être inondés pour faire un bon foin ne le sont pas alors qu’ils l’étaient tous les ans autrefois. Et il me cite le pré dit " du moulin " à Renescure qui à cette époque et jusque dans les années 90/93 était inondé sur 1, 5 km environ et sur 200 m de large.. Je m’en souviens car j’avais des amis qui habitaient au bout de la rue qui y mène, et parfois avant ou après l’école je passais par là.. Ce pré, me dit-il, n’est plus qu’exceptionnellement et brièvement inondé depuis le drainage et le remembrement.. Et ces jours ci, malgré toutes ces pluies, il est sec !

Je suis presque choqué, même si pas tout à fait étonné par cette information.

Toute cette eau autrefois stockée et infiltré là, ou est elle partie ? Et celle des autres prés et prairies autrefois inondables tout le long de la becque ? Elle est évacuée dans le canal de Noeufossé, et ce canal fusionne avec l’Aa canalisée à St Omer où il déborde dans le marais. Et en amont, il est bien vu, d’arroser en été pour obtenir des contrats de culture pour la conserverie la plus proche.. Pour le plus grand profit des vendeurs de drains, de pompes, et de systèmes d’irrigation.. et pour le calibre parfait de nos petits pois.

Je lui dit que dans la vallée de l’Aa j’ai été stupéfait de voir une inondation si violente, alors que, curieusement, quelques centaines voire dizaines de m plus haut, il n’y a aucune trace d’afflux violent d’eau, comme on en voit d’habitude, et qu’au sommet des plateaux de Longuenesse et d’Helfaut à Racquinghem, les mares ou fossés ne sont pas à leur maximum, loin s’en faut, les tourbières ne sont pas saturées, les bassins de collecte des eaux de ruissellement de la nouvelle route sont vide pour l’un (vanne ouverte vers Blendecques, mais sans trace de courant violent), et presque vide pour l’autre.. Il me dit : Eh ! Où voulez vous qu’elle soit partie toute cette eau ?

J’ai visionné et montré plusieurs fois les photos de mon appareil numérique. Je n’ai pas rêvé, je ne rêve pas. A Blendecques où il pleut beaucoup et souvent - comme ailleurs - depuis près de deux ans, la rivière a toujours été très basse, anormalement basse même tout l’hiver, comme me l’on fait remarquer beaucoup de riverains. Ces jours ci, la hauteur d’eau est assez brusquement passée de quelques dizaines de cm à quelques m avec une vitesse très accélérée.

Pourtant, avant-hier et hier, du côté d’Heuringem, sur l’autre flanc de la colline, qui a pourtant dans le passé connu quelques inondations mémorables, l’eau n’a pas pu couvrir ne serait ce que la totalité du fond du bassin écrêteur de crue construit pour récupérer l’eau de la déviation d’Heuringhem que je crois pouvoir considérer comme un pluviomètre géant. Et il ne s’agit pas d’une fuite du bassin parce que de l’herbe pousse sous les tuyaux, et elle serait couchée ou emportée s’il y avait eu beaucoup d’eau. On pourrait penser qu’il y a une fuite et il y en a effectivement le long de la route qui s’est désolidarisée des fossés de béton théoriquement étanches (mais en réalité parcourus de km de fentes..) Néanmoins, pas la moindre trace d’inondation dans les champs non plus, ni dans la Melde.

Les photos prises hier montrent un fossé parallèle à la petite route qui monte au plateau avec quelques cm d’eau seulement, et la Melde que j’ai souvent vu haute après de fortes pluies, est presque vide, 10 ou 15 cm d’eau environ, sans traces de boue ni même d’herbes couchées sur les berges.. Certes, la route fuit de partout, comme nous avions d’ailleurs annoncé qu’elle le ferait, avant sa construction, en raison d’un sous sol éminemment inhabituel et instable, comme en témoigne les dizaines d’effondrement des bermes en dépit des travaux de reprises et de confortement.. Mais pourquoi si peu d’eau côté Heuringhem ? Pourquoi des fossés aussi secs au sommet ?.. là où, il y a 15 ans, coulait, même les étés les plus secs, une source claire et où les plantes de milieux humides abondaient alors qu’aujourd’hui une inondation record noie Blendecques et la vallée quelques centaines de m plus bas. Et plus au nord.

Des quantités importantes d’eau se seraient elles infiltrées dans les sables landéniens asséchés par la route et les drainages divers du plateau ? pour réalimenter des sources ? Certainement localement, mais ça n’expliquerait en aucun cas la violence de la crue et pourquoi uniquement dans la vallée de l’Aa et non dans le petit bassin de la Melde ?

Qu’il ait plu beaucoup en amont c’est évident.. J’ai trouvé en fin de crue l’eau moins boueuse que lors des cures précédentes, ce qui plaiderait pour une remontée de la nappe phréatique, à moins qu’il ne faille en déduire que toute la terre soluble et érodable ait déjà été emportée en mer.. que tout les limons qui pouvaient être lessivés l’ont été.. Il faudra observer les traces d’érosion entre la source, Lumbres et Blendecques. Qu’en pense Météo France ?

Des agriculteurs, mais aussi des communes ont endigué la rivière pour se protéger des inondations autrefois normales, ce qui peut accélérer les flux, et accroître les inondations en aval, mais il semble que les digues ont de toute façon été emportées ou dépassées avant le summum des crues.

Des portions de rivières ont été tubées, dont une est restée un moment bouchée ou presque à Blendecques, mais ça ne me semble pas pouvoir expliquer la violence de la crue.

Des portions de rivières n’existent plus ou sont partiellement rétrécies, mais l’eau était de toute façon passée largement au dessus.

Un point commun à l’Aa et à la Liane qui ont fortement débordé est qu’elle se jette rapidement dans la mer. Mais la Canche et l’Authie aussi. Quelle est la part de responsabilité des forts coefficients de marée ?.. Comment faisait-on autrefois quand il n’y avait ni écluses de cette taille, ni répartiteur, ni pompes à haut débit ou vis d’Archimède capables d’évacuer plusieurs dizaines de m3 chaque seconde ? Y aurait il une pression du biseau salé qui ferait remonter les nappes souterraines lors des grandes marées ? Pas jusqu’à St Omer je pense, mais la question sera à étudier pour les zones de polder.

Mes questions sont confuses et naïves mais j’essaie de comprendre.

Les rumeurs les plus folles ont couru. Parmi celle que j’ai entendu le plus souvent dans la journée : Pour éviter d’inonder la somme on aurait envoyé l’eau chez nous. Ou pour éviter de noyer Béthune et Aire dans une autre version. Certains ont entendu parler d’une dame qui aurait entendu une explosion avant la grande montée d’eau, presque tout le monde a entendu parler d’une digue qui aurait cédé, mais les lieux varient beaucoup selon les versions. Je n’ai vu nulle par quelqu’un qui écoutait la radio (ce qui montre le peu de confiance qu’on accorde aux média ?) D’autres se demandent s’il n’y a pas un lien avec les élections, pour faire passer plus facilement un projet de nouveaux canaux de drainage pour vider les wateringues à la mer, via un estuaire artificiel à la mer, qui lui-même cacherait peut-être un projet d’aménagement portuaire de plaisance entre Calais et Dunkerque dont les ports serait saturés ou un port intérieur, entre Oye plage et St Omer dans une autre version.

D’autres et cela m’inquiète plus accusent parfois durement le Parc ou les Communes de ne pas assez curer et entretenir la rivière.

En fait cette rivière non domaniale devrait normalement être entretenue par les riverains. Mais outre que nombre d’entre eux n’on ont absolument pas les moyens techniques ou financiers de le faire, il faut bien reconnaître que ce qui abîme et dégrade les berges ; les coups d’eau, les sédiments agricoles, les pesticides, le flux croissant issu des surfaces imperméabilisées qui ne cessent de croître sont essentiellement d’origine humaine et relèvent de la responsabilité de l’ensemble du bassin versant… Et notamment des gens qui aménagent ou travaillent les sols dans les hauteurs. Il me semble donc plus que normal que la collectivité aide les riverains, ce que fait depuis peu avec beaucoup de gentillesse et de compétence une équipe de cantonniers de rivière mise en place par le parc.

Sans leur travail, les dégâts auraient été beaucoup plus graves. De nombreux troncs d’arbres auraient colmaté les vannages en faisant durer l’inondation, voire en l’exacerbant avec des risques de déferlements brutaux. Pour autant, gare à ne pas accélérer les flux, par trop de " nettoyage " alors que ; l’imperméabilisation très excessive, l’habitude égoïste d’excessivement rectifier, élargir, curer, tuber, combler ou désherber les fossés, surtout en haut de bassin versant, tout en drainant ou comblant les zones humides est une cause manifeste d’accélération des flux.

Il serait aussi urgent d’aider les agriculteurs à produire raisonné, mais moins intensivement et en conservant l’eau dès le haut du bassin versant.

Il faudrait que chaque commune restaure un certain nombre d’ha de zones humides et d’infiltration, à calculer en fonction du nombre d’ha, de sa quantité de rejets en eau pluviale, de son coefficient d’imperméabilisation ou de stockage, de la nature des sols et du degré de pente. Comme le recommandent le SDAGE et un excellent document de l’Agence de l’eau sur les bandes enherbées et zones tampon, il faut aussi de manière urgente et partout aider les agriculteurs et les particuliers à restaurer un réseau cohérent de haies , de talus, et de bandes enherbées ou de noues protégeant les réseaux de mares et de fossés, et freinant l’eau dès le haut du bassin versant, comme cela se fait dans la nature, et se faisait dans les paysage de nos grands parents. Et comme l’a dit récemment la présidente de l’Agence de l’eau A. Delelis, il va falloir penser non seulement à dé tuber, mais peut-être dé drainer.

J’ai d’autant pus de mal à évoquer les agriculteurs qu’ils sont de moins en moins nombreux, souvent accablés de soucis, que certains font de réels efforts, et que lors des inondations ils ont souvent mis leur matériel à dispositions de gens en difficulté, mais en tant que gestionnaire de 75 % du paysage ils peuvent indiscutablement faire beaucoup. C’est le moment de se concerter avec le SAGE, l’Agence de l’eau et les communes. Ne faudrait il pas dans l’intérêt de tous et de l’agriculture pour chaque ha agricole ou urbanisé ou industrialisé un % minimal mais significatif et utile de terrain consacré à collecter, retenir, filtrer et freiner ou infiltrer l’eau, dès le haut du bassin versant, en restaurant une trame verte cohérente de bocage, talus, mares et fossés, bandes enherbées dont la chambre d’agriculture elle-même a prouve l’efficacité, et ce à une échelle compatible avec la circulation des engins agricoles ?

Les chambres consulaires et les grands syndicats agricoles productivistes accusent facilement de mythiques technocrates européens (ils ne sont jamais français ?) de tous les maux, alors qu’ils ont souvent avantagé la France qui est arrosée d’une manne dont je crois savoir qu’elle correspond jusqu’à 80 % du revenu des grands agriculteurs. Au lieu d’accuser la PAC qui semble avoir été faite par et pour les grands lobbies agroalimentaires, au lieu de refuser Natura 2000 qui semble si bon pour l’environnement, au lieu de refuser en bloc les écotaxes qui ont fait leurs preuves dans le domaine de l’épuration des eaux industrielles avec le principe pollueur-payeur qui a financé l’essentiel de nos stations d’épuration, ne pourrait-on pas consacrer une énergie plus positive à coopérer avec les agences de bassin pour une agriculture vraiment plus respectueuses de l’environnement que je pense les citoyens sont prêt à payer, qui leur coûtera bien moins cher que de réparer les dégâts d’une économie productiviste non durable incapable de préserver ses ressources les plus vitales, quoi qu’elle en dise.

Un agriculteur m’a dit qu’il ne fallait pas que je m’inquiète, que les agriculteurs étaient les premiers à protéger les sols, par ce que c’était leur outil de production, mais les sols agricoles, si précieux et si riches de notre région, je les vois passer sous ma fenêtre et sous les ponts. Avant c’était quelques jours par an, maintenant c’est environ 10, voire 11 mois par an. Je n’accuse pas l’agriculture en particulier, mais le système qui a conduit à ça. Et les CTE sensés restaurer et protéger l’environnement, je ne les voit pas bien venir, en particulier les CTE zones humides qui ont été refusés aux agriculteurs que je connais qui se sont proposés, et que la plupart des autres refusent..

Les industriels et les communes ne pourraient ils pas aussi dés imperméabiliser les surfaces qui peuvent l’être sans risque de pollution, installer comme cela se fait ailleurs des dispositifs de récupération des eaux de pluies ? des murs et terrasses végétalisées qui étalent les apports d’eau dans le temps. De tels dispositifs ne peuvent ils pas devenir obligatoire pour l’obtention des permis de construire, ou au moins subventionnés. Avec les changements climatiques probables, ne faudrait il pas même augmenter de 10 ou 20 % les coefficient de sécurité.

Une famille (venue voir les dégâts après avoir vu l’inondation à la télé ?) est passée dans ma rue. La maman tenait une barquette d’une dizaine de petits pots de fleurs avec des pensées. En voyant notre jardin dévasté, elle m’a gentiment proposé ses fleurs pour les y replanter. Sur le moment j’ai refusé parce qu’il n’y avait plus de terre, que j’étais surpris par la proposition et que je préfère la nature sauvage et spontanée, mais après j’ai regretté.. Si elle me lit un jour, qu’elle m’excuse, je la remercie pour ses pensées.

Alors que la nuit tombait, avec Etienne et Martine, nous avons fait le tour de la cuvette dite " de Clairmarais " : l’Aa canalisée était sale et très haute, comme nous nous y attendions. Mais nous nous étonnons de trouver hors d’eau la partie qui est à l’Ouest du canal entre St Omer et Watten, alors que la partie orientale du marais est bien noyée. Il y a pourtant à l’ouest de vastes zones inhabitées qui, me semble-t-il, étaient autrefois inondées après des pluies et crues moins importantes.

Nous rentrons. J’ai ouvert toutes les fenêtres pour que ça sèche, il fait glacial. Je vais donc aller dormir ailleurs et en profite pour faire un crochet par l’étang de Clairmarais, car je me souviens que lors d’une grosse pluie du mois de mai il y a quelques années, il avait débordé en faisant céder la digue qui a ma connaissance n’avait jamais été franchie.. Je me demande comment il a résisté aux pluies presque incessantes du mois passé.

La nuit est froide, claire et étoilée.. Je me promène un peu dans la forêt. Après un temps d’adaptation, je vois presque clair, et au flash je fais quelques photos. Surprise ! De nombreux fossés ne sont pas pleins, et surtout l’étang ; non seulement n’a pas débordé, mais ne présente pas de traces de hausse exceptionnelle ou anormale de niveau (qu’on peut mesurer à la hauteur d’un léger dépôt boueux et des feuilles et brindilles déposées sur les berges ou coincées dans le dégrilleur du trop plein. Le trop-plein coule, me semble-t-il à peu près comme d’habitude à cette époque (autrefois j’allais là compter les naissances de jeunes salamandres..) Il n’y en a plus.

Autour de la forêt, il y a de l’eau, mais bien peu, comparativement à l’Aa en amont de St Omer..

 

Demain, je téléphone à mon assureur. Je m’attend à avoir pour environ 100 000 F de dégâts, peut être plus si les fondations sont endommagées et recevoir au mieux 10 000 F de remboursement. Sentiment d’humiliation.. d’impuissance et de fatalité, mais aussi de sourde révolte.

Je me dis qu’il faudrait aussi, de manière urgente, rendre obligatoire pour les permis de construire outre la récupération des eaux de pluies dès le haut du bassin versant, des systèmes de tuyauteries d’eau, gaz électricité arrivant par le haut, dans toutes les vallées, ainsi que la disposition en hauteur des mobiliers électriques ou sensibles.

Les communiqués de presse repris par les journaux expliqueront que plus d'un millier d'habitations étaient sous l’eau samedi " à la suite de plusieurs journées de pluies torrentielles " aurait dit la préfecture.. selon l’AFP (vraiment torrentielles ? Je ne vois de traces de torrent que dans le lit mineur et majeur). La Somme n’a pas re-débordé et la Liane est vite repassée sous sa côte d'alerte contrairement à l'Aa qui n’a que lentement décru, le marais audomarois étant saturé, et a-t-on appris ensuite par le sous-préfet, honnête, par des bassinées d’eau effectuées par VNF pour ne pas inonder Aire sur la Lys. (quelques cm en plus dans le marais pour éviter 1 m à Aire, ça peut se justifier, mais des aménagements de rétention en amont seraient néanmoins utiles)

Environ 2.000 habitants, selon la presse ont du être évacués vendredi en fin de matinée, dont 200 logées par la mairie avec l’aide dès samedi de la Croix rouge.

6 grandes entreprises de la vallée (3 cartonneries, une scierie, un récupérateur-transporteur et une verrerie) ont été touchées par les inondations.

On accuse les grandes marées dont le pic était je crois prévu pour samedi après-midi, mais on sait qu’il pleut souvent abondamment avant les grandes marées.

 

Chronique d'une inondation annoncée 3/3

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