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La Forêt de Nieppe, une zone humide prioritaire ? 3/5 : artificialisation du "fil de l'eau" | ||||
Auteur : Alain Vaillant, Fédération Nord Nature Environnement | accueil |
Cette fiche pratique sur la Forêt de
Nieppe |
Généralités |
Aménagement du territoire autour de la Forêt |
Artificialisation du "fil de l'eau" : >> vous y êtes |
Le statut de la Forêt de Nieppe |
Les menaces se précisent |
Carte du réseau hydrographique du bassin versant de la Lys (extraite
de l'atlas cartographique du SAGE de la Lys)
Pour y voir plus clair, vous pouvez télécharger cette
carte en format A4 imprimable
Lecture simple de cette carte
(si vous n'êtes pas de la région) :
+ la Lys prend sa source près de Lysbourg, coule vers le nord puis ensuite
vers l'est. Elle passe à Aire Sur La Lys, Merville, Armentières
puis, en Belgique, elle va rejoidre l'Escaut
+ un trait "bleu" démarre du canal de la Deûle (au sud-est
du bassin versant), c'est le canal d'Aire à La Bassée appelé
ensuite canal de Neuffossé. Il va rejoindre l'AA pour aller se jeter
dans le mer du Nord. Cet ensemble est couramment appelé "Le canal
à grand gabarit". Sa fonction est économique : transport
de marchandises. Ce canal est géré par Voies
Navigables de France (VNF)
+ en termes de "Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques" (LEMA) ce
canal est une masse d'eau superficielle très importante et dont l'incidence
sur le fonctionnement hydraulique du bassin versant de la Lys est importante
A) Fonctionnement
du canal à grand gabarit :
A1) Fonctionnement habituel : sur presque
toute sa longueur, le canal est en remblais par rapport au terrain et aux cours
d'eau. Ces cours d'eau "naturels" qui traversent le canal, le font
dans des siphons qui passent sous le canal. Ils nécessitent un entretien
régulier sous peine d'avoir de graves problèmes en période
de crue.
Ce canal à grand gabarit a 2 impératifs hydrauliques :
+ économie : il faut qu'il y ait toujours assez d'eau pour permettre
la navigation des péniches
+ les berges : à certains endroits le haut des berges ne semble pas très
solide. Si le niveau d'eau dans le canal monte beaucoup et qu'une brèche
se forme, cela peut provoquer des dégats très importants
A2) le noeud d'Aire sur la Lys : comme les autres cours d'eau, la Lys passe en siphon sous le canal. Mais, en plus, au lieu dit "Le bassin à 4 faces" (à coté d'Aire sur la Lys), la Lys et le canal à grand gabarit peuvent échanger de l'eau : de la Lys amont vers le canal et du canal vers la Lys aval
A3) La gestion du "trop
d'eau" : La Commission locale de l'Eau (CLE) a été
ammenée à se prononcer (vers 2005) sur le
protocole de gestion du canal à grand gabarit (de VNF).
La lecture de ce protocole nous apprend (en suivant le cours de l'eau dans le
canal):
+ quand il y a trop d'eau dans la région de Douai, des transferts d'eau
sont effectués de la Deule dans le canal à grand gabarit
+ quand il y a trop d'eau dans le canal à grand gabarit, des transferts
d'eau sont effectués (au bassin à 4 faces) dans la Lys, jusqu'à
ce que son niveau atteigne + 1,15 m/NNN (à l'écluse de Saint Venant).
C'est à dire que son niveau soit 1,15m au dessus du Niveau Normal de
Navigation
+ ensuite, s'il y a encore trop d'eau, il y aura des transferts dans l'audomarrois
puis après, ce sont les pompes en bord de mer qui évacuent
Analyse :
+ l'eau du douaisis est naturellement évacuée par la Deule (qui
a été canalisée) qui se jette dans la Lys à Deulémont,
juste avant que la Lys entre en Belgique. Avant cela, elle traverse l'agglomération
lilloise et donc, c'est pour éviter des inondations dans cette agglomération
que VNF transfert l'eau excédentaire du douaisis dans le canal à
grand gabarit. Il est vrai qu'en cas d'inondation de l'agglomération
lilloise par la Deule, VNF serait jugée responsable. On peut noter au
passage que "le protocole de gestion du canal à grand gabarit"
a sa source dans ce transfert Deule >> canal Pratiquement, la gestion
de ce canal transforme la vallée de la Lys et l'audomarrois en zones
d'expansion de crues pour éviter les inondations dans l'aglomération
lilloise
+ Lorsque le canal se déverse dans la Lys et que celle ci voit son niveau
monter de 1,15m cela ne provoque pas d'inondatioin dans la vallée de
la Lys. MAIS, si à ce moment là, un évènement pluvieux
important arrive sur le bassin versant de la Lys, les capacités d'évacuation
de cette eau par la Lys sont déjà, en partie utilisées.
On peut ainsi affirmer que ce fonctionnement hydraulique ne provoque pas d'inondation
à lui seul, mais qu'il contribue aux inondations récurrentes de
cette vallée.
+ On peut estimer un ordre de grandeur du volume correspondant qui est "confisqué"
par VNF dans la Lys quand il l'utilise au maximum: 1,15m d'Aire sur la Lys à
Merville et sur 15 m de large, cela représente environ 300.000 m3. Si
le pluies ont été suffisamment violentes dans le douaisis avant
qu'il ne se mette à pleuvoir fortement dans le bassin versant de la Lys,
alors le volume d'eau stockée entre Aire sur la Lys et Armentières
(sur 1,15m de haut) sera environ 580.000m3. Cela est à comparer avec
le volume de stockage prévu par le projet de l'EPTB Lys : 155.000 m3
en inondant 64 hectares de forêt !! (voir la page Les
menaces se précisent). Le tout, "pour un montant estimatif
de 800 000€ HT ; ce qui apparait modeste au regard des coûts évités
en termes de réparations" (citation extraite de" l'eau
en Forêt de Nieppe, note de positionnement").
+ Le vote de la Commission Locale de l'Eau : ce protocole a été
soumis à l'approbation de la CLE pour le SAGE de la Lys. Une seule voix
s'est élevée contre (celle du rédacteur de cette page).
Tous les élus, qui par ailleurs veulent mettre fin aux inondations chez
leurs électeurs, ont voté pour, suivant en cela l'exemple du président
de la CLE, Monsieur Flajolet (depuis, il a été remplacé
à ce poste par Monsieur Dissaux). Le document "Protocole de gestion
du canal à grand gabarit" comporte les signatures des présidents
des CLE Lys, Audomarrois, AA
+ Contre proposition de Nord Nature Environnement : ce serait une bonne idée
de développer une vision globale de ce canal et de commencer
par améliorer les capacités d'évacuation de l'eau à
la mer (j'ai entendu, à plusieurs reprises, cette proposition
évoquée en CLE ... mais jusqu'à présent, cela n'a
débouché sur aucune action sur le terrain ...). En plus, on sait
que le changement climatique (maintenant certain) s'accompagnera d'évènements
météorologiques violents et répétés (pluies
dilluvielnnes, tempêtes, ...) et que la région des Watterigues
traversée par le canal à grand gabarit avant qu'il ne rejoigne
la mer est une région à risque de submersion par l'eau salée
et l'eau douce.
A4) La gestion du "pas
assez d'eau" : L'importance de l'étiage
(A)dans les rivières, c'est le maintient de la vie aquatique.
Monsieur Flajolet, alors qu'il présidait la CLE, a, à plusieurs
reprises demandé à VNF la communication de la méthode de
gestion de l'étiage du canal à grand gabarit. Il n'y a jamais
eu de réponse de VNF.
C'est un vrai problème, car sur le cours de la Lys nous avons successivement
la station de pompage de Moulin le Comte (voir ci-dessous)puis le bassin à
4 facesoù VNF a la possibilité de prendre de l'eau dans la Lys
pour la mettre dans lecanal. La législation impose que le débit
d'étiage d'une rivière ne soit jamais en dessous de 10%de son
débit moyen. Il est certain que la station de pompage respecte cette
règementation ... mais alors, VNF qui est un peu plus loin ne pourrait
rien prendre !. Ce conflit d'usage devrait être traité par la CLE
pour aboutir à une convention, d'autant plus que le président
actuel de la CLE(Monsieur Dissaux) est aussi le président du SMAEL, le
syndicat mixte d'exploitation de la station de pompage
B) Station
de pompage à Moulin-le-Comte :
B1) Historique : on remonte le temps,
on est à la fin des années 60 et l'agglomération Lille
Métropole Communauté Urbaine (LMCU) prévoit que ses besoins
en eau vont augmenter avec son développement. Les forages à Lille
et autour de Lille ne vont bientôt plus suffire.
2 projets complémentaires sont élaborés :
+ prendre de l'eau dans la Lys à Moulin le Comte (banlieue ouest d'Aire
sur la Lys)
+ prendre de l'eau dans la vallée de La Canche au niveau d'Hesdin
Ainsi, c'est le Pas de Calais qui approvisionnerai en eau LMCU. D'où
l’idée d’une demande de "compensation" qui avait
germé dans l'esprit du Maire du Touquet : un barrage de la baie de Canche
qui serait pris en charge par les deux départements. Une Commission interdépartementale
avec, à sa tête, le Maire de Saint-Martin les Boulogne, avait donc
été créée pour mettre au point l'ensemble des projets
: le pompage des eaux de la Canche pour Lille, le barrage du Touquet et, bien
sûr, la couverture financière du tout.
Fin 1970 le projet est bouclé.
C'est alors que des universitaires lillois des sciences de la nature partent
en guerre contre ce projet de barrage dans un estuaire, car c'est une absurdité
écologique. Ils se réunissent en association et ils l'appellent
NORD NATURE.
Toute l'histoire de ce combat est relaté dans les
mémoires que Monsieur Vivier à rédigé en 2000.
Il a fallu en tout une dizaine d'années pour que Nord Nature remporte
ce combat.
L'autre projet, celui qui consiste à pomper de l'eau dans la Lys, de
la potabiliser puis de l'envoyer sur l'aglomération lilloise a vu le
jour, à Moulin le Comte (banlieu ouest de Saint Omer)
Il reste une trace de cet épisode de l'histoire de l'eau potable dans notre région. A l'usine de Moulin le Comte, une grande salle accueille le public et sur un mur a été réalisé une installation pédagogique pour expliquer tous les traitements que subit l'eau pour devenir potable. Sur ce mur, une partie n'est plus éclairée (mais elle existe encore), c'est l'arrivée d'eau de la Canche. Autrement dit, ce qui était prévu c'est que l'eau pompée dans la Canche aille à Moulin le Comte pour y être potabilisée avec l'eau de la Lys avant d'être envoyée en direction de Lille (plus précisément, Prémesques)
B2) Fonctionnement :
C'est un Syndicat Mixte, le SMAEL
(syndicat mixte d'adduction des eaux de la lys) qui gère cette usine
de traitement de l'eau. Son président est Monsieur Dissaux également
président de la CLE de la Lys
Débit prélevé : 18 millions de m3 en 2011
Etiage : c'est la clef de voute du système car c'est
en été que l'on consomme le plus d'eau potable et c'est à
ce moment là qu'il y a le moins d'eau dans la Lys. Dès 1985, le
SMAEL a été autorisé à pomper de l'eau (via 5 forages)
dans la nappe calcaire à Verchin (près des sources de la Lys)
pour alimenter la rivière et qu'ainsi à Moulin le Comte il y ait
de l'eau à pomper. Ce système, un peu artificiel a posé
des problèmes à Verchin.
B3) Incidence faune flore
et pollution :
+ faune, flore : le débit de réserve(B) de la
Lys, 300l/s est notoirement insuffisant pour maintenir en aval de Moulin le
Comte une vie biologique dans la Lys. En plus, juste en aval de cette prise
d'eau VNF prélève éventuellement de l'eau pour alimenter
le canal à grand gabarit en période d'étiage. Toujours
en aval de Moulin le Comte, iL semble également qu'une défluence
de la Lys (l’Oduel) conduit à prélever dans le cours d’eau
de 60 à 100 litres/s en période de basses eaux et compromet donc
le respect du débit de réserve.
+ pollution : avec la même quantité de polluants déversés dans la Lys qu'actuellement, s'il n'y avait pas d'extraction d'eau à Moulin le Comte, les taux de pollution seraient inférieurs, notamment en été. Et donc, la qualité globale de l'eau en aval d'Aire sur la Lys est fortement impactée par la prise d'eau.
+ Juste un exemple avec les pesticides : actuellement, la plupart des rivières qui prennent leur source en Nord Pas de Calais sortent de la région (en mer ou en Belgique) avec un taux de pesticides plus de 100 fois supérieur au maximum autorisé pour une eau potable. C'est ce qui ressort d'une étude qui vient d'être publiée par l'Agence de l'Eau Artois Picardie. Pour vous faire une idée globale des résultats de cette étude, téléchargez les 2 cartes les plus importantes (en sachant que la dose maxi de pesticides pour qu'une eau soit potable, est de 0,1 micro gramme par litre). L'étude complète : Etude-bilan sur la présence de pesticides dans les cours d’eau du bassin Artois-Picardie.
Note :
(A) : L'étiage est le débit le plus bas du cours d'eau
(B) : La législation définit le débit de réserve
d'une rivière comme le 1/10ème de son débit moyen
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